Rappel / pour retrouver l'épisode 9 -Labastide-Murat - Séniergue - Montfaucon facilement, c'est ICI / épisode 9
(une bulle verte en haut à droite de la page vous permettra d'apporter vos commentaires et remarques dans le respect de chacun).
La résistance dans les cantons de Lauzès
SAINT-GÉRY
VERS
SAINT-GÉRY
Le tunnel de Coudoulous :
Le 6 avril 1944 vers 22 heures, 80 terroristes investissent la gare de Conduché.
Leur but est de faire sauter la voie ferrée, afin de stopper l’approvisionnement en charbon de Decazeville, des usines d’armement sous contrôle allemand.
Le 7 à 2 heures du matin ils arrêtent le train de marchandises venant de Cajarc. Ils font dérailler une partie du train sous le tunnel et incendient l’autre sous le tunnel de Coudoulous. La voie ferrée sera immobilisée plusieurs semaines. Lors des opérations d’extinction du feu sous le tunnel de Coudoulous, suite à une erreur d’appréciation de l’encadrement, plusieurs cheminots et ouvriers seront tués lors de l’explosion d’une citerne d’ammoniac.
Saint-Géry fut un lieu de repli du maquis avec ses bois immenses. Le maquis CHAPOU viendra souvent chercher refuge dans la grotte de l’Iffernet en face de Saint-Géry, sur la rive gauche du Lot, ou dans les bois environnants. C’était en même temps un lieu de passage stratégique très important pour les Allemands avec la route et la voie ferrée Decazeville-Cahors.
Rapport de la gendarmerie nationale :
6.04.1944 : Vers 2 h 30 sabotage du train 5376 – le train est scindé en deux, la première moitié déraille au P.K. 685, la deuxième moitié emboutie dans le tunnel de Coudoulous près de Conduché - 2 wagons-citernes contenant benzol et ammoniaque ont été incendiés et ont provoqué le 7.04.1944 une formidable explosion qui causa la mort de 8 employés de la S.N.C.F. occupés au déblaiement.
(voir témoignage de Roger-Noël GHILARDI à Vers).
Extrait des chroniques du Musée de la Résistance :
“Le mât de la Roumégouse :
Dans la nuit de l'occupation...
En juillet 1943, Jean-Jacques CHAPOU dit “Capitaine Philippe”, qui a créé en février 1943 le maquis « France » et est entré le 9 juillet 1943 dans la clandestinité, est invité discrètement à se rendre à Saint-Géry pour y rencontrer 1e Commandant de Gendarmerie André VESSIÈRES. Craignant un piège, il se fait escorter par les maquisards “La Fiole” et “Pichorro” auxquels il ordonne de “balancer” leurs grenades dans la Gendarmerie s'il n'est pas revenu dans une heure. Lorsqu'il ressort, souriant, un accord a été conclu entre les deux “chefs” pour éviter les affrontements entre Francais et permettre la consolidation des maquis.
Combien de résistants doivent leur survie à cette complicité des deux hommes qui mourront tous les deux pour la France.
Une anecdote.
Peu de temps après cette entrevue, le P.C de “Philippe” se trouve à la Roumégouse sur la hauteur près de Saint-Géry.
Rappelons que de mars 43 à avril 44, le maquis “France” a changé douze fois de cantonnement. il ne faut pas parler, par exemple, du maquis de Jamblusse, mais du maquis “France” qui se trouvait en octobre 43 à Jamblusse. De nombreux lieux d'accueil sont à associer ainsi aux dix huit maquis qui existèrent dans le Lot.
Deux gendarmes se présentent donc un jour à la Roumégouse :
“Chef, il vous faut raccourcir le mât de votre pavillon (tricolore)... On le voit de Saint- Géry...”
Un éminent service :
Le 23/12/1943, dans la région de Ladirat, se prépare une opération imminente ordonnée par le Préfet de Vichy, contre le maquis “Timo”. Le Commandant Veyssières, contacte Timo, lui fait part de l'accord passé avec Philippe et facilite son “décrochage” sans perte.
Le prix payé par les gendarmes :
“Évoquer l'action de la Gendarmerie, c'est lui rendre justice”.
Son attitude dans le Lot, à l'inverse de nombreux départements fut dans l'ensemble exemplaire.
Cet appui à la Résistance lui coûta :
- cinq morts au combat;
- dix neuf arrestations suivies de cinq déportations (quatre morts dans les camps), sept internements, sept évasions.
Dénoncé, comme nous le verrons plus tard, lors des plans d'occupation de Cahors, André VESSIÈRES atteint du typhus,, est mort d'épuisement au camp de Vaihingen début avril 1945”…
Rapports de la gendarmerie nationale :
21/07/43 : Opération de police de grande envergure avec un G.M.R. dans la région de Saint-Géry. Aucun résultat - évaluation de ce maquis : 50 unités. Il s’agit de l’opération décrite par Cazard dans son livre sur CHAPOU à la grotte de l’Iffernet.
7/06/44 : La brigade de gendarmerie de Puy-l’Évêque : 1 adjudant et 7 hommes ont été enlevés ; le même jour les brigades de Cazals et de Saint-Géry ont disparu, on ne sait si elles ont été enlevées ou si elles ont volontairement pris le maquis (voir témoignage de Roger Conté).
VERS
Témoignage de M. MARSANNE ancien Maire de VERS :
”… La Carderie est une ancienne papeterie qui fonctionnait grâce à la force motrice d’un moulin. Elle a beaucoup changé de destination aux cours des années : forge, carderie, usine de fabrication de poussettes pour enfants, plaquettes en bois pour gazogène, discothèque”. Une vieille dame de Vers possède une de ces poussettes dans son grenier”.
Nous parlons des ouvriers qui fabriquaient le charbon de bois.
”Il y avait des Espagnols mais aussi des Annamites . Ils avaient un camp près de la route. Ils fabriquaient des combustibles pour les moteurs à gazogène”.
On m’a parlé de ”marmites” à charbon de bois, ça vous dit quelque chose ?
”Je suis chasseur, je peux vous en montrer une”.
M. MARSANNE me conduit vers le Mas Saboth, au-dessus de Vers. Il me montre les vestiges d’un four à charbon de bois datant de la période de la guerre.
”Le métier de charbonnier exigeait un savoir faire.Dans l’ancien temps on fabriquait le charbon de bois en empilant le bois d’une certaine façon puis en le recouvrant d’argile ou de terre.
Il se consumait très lentement.
Avec les gazogènes, il y a eu une forte demande et il a fallu trouver des solutions plus rapides. La main d’œuvre disponible, souvent des réfugiés parlant mal le français, ne savait pas comment faire. Avec les fours c’était plus facile ”.
Témoignage de M. Roger-Noël GHILARDI (dit Noël)
né le 30/12/24 à Belmontet :
Je suis né dans le Lot. J’habite à Vers depuis très longtemps, mes parents étaient Italiens de Bergame, réfugiés en France après l’arrivée de Mussolini au pouvoir en 1922.
J’ai participé aux travaux de la Carderie du temps des Allemands, en 1942/43.
Un nommé Pettini de Cahors leur avait proposé de fabriquer de l’essence à partir du bois. La Carderie (ancienne forge puis filature) était à l’abandon ; le lieu leur avait semblé convenir à cela. Nous avons donc construit 4 ou 5 fours en briques et des cuves pour recueillir l’essence.
Mon chef de chantier de l’époque venait sur le chantier mais refusait de travailler pour les Allemands. Il ne faisait rien de toute la journée ; il entrait dans le bâtiment et attendait l’heure des repas et du départ. L’installation était à l’étage, au-dessus de l’actuelle grande salle voûtée. Quand nous avons mis le système en chauffe, les cuves sont montées en pression et tout a explosé. Les Allemands nous ont d’abord accusés d’avoir saboté l’installation, mais ils ont vite vu que nous n’y étions pour rien. Sans doute avaient-ils oublié d’ouvrir certaines vannes de décompression. Le projet a été abandonné.
À la même époque il y avait une trentaine d’Annamites logés dans un baraquement que nous avions monté entre la rivière et la route, à côté du pont. Il y avait aussi des Espagnols qui logeaient chez l’habitant à Vers. Tous travaillaient dans les bois pour couper du bois ou fabriquer du charbon de bois pour les gazogènes. Des Lotoises des villages environnants travaillaient à fabriquer des briquettes reconstituées avec la poussière de charbon de bois. En tout il devait y avoir une soixantaine de personnes dans l’entreprise. Avant ce projet, il y avait eu une fabrique de poussettes et de tricycles pour enfants, mais je ne l’ai pas connue.
Un ouvrier avait dessiné une faucille et un marteau à l’intérieur de la Carderie. Il s’appelait MATUSSI. Il était communiste. Les Allemands l’ont découvert et ont menacé d’embarquer tout le monde. Il s’est dénoncé. Je ne sais pas ce qu’il est devenu.
Un jour, les Allemands ont encerclé Vers. Ils avaient barré toutes les routes, tous les accès. J’habitais vers la gare. Quelqu’un a frappé à ma porte. je suis allé ouvrir et je me suis trouvé nez à nez avec un Allemand en uniforme. Il parlait un peu français ; il m’a demandé de l’eau pour se laver. Je lui ai montré la pompe et une bassine sur la terrasse, mais je lui ai dit que nous n’avions pas de savon. Il a dit qu’il avait ce qu’il fallait. Les Allemands sont restés deux heures à Vers, puis tout-à-coup ils sont tous partis sans avoir rien fait.
C’était avant le débarquement.
Quand j’ai été appelé au STO, je me suis caché quelques temps dans Vers. Mon père travaillait aux Chemins de Fer. Son patron m’a fait un contrat pour me soustraire au STO. C’est là qu’il y a eu le sabotage de Conduché. J’ai été appelé quand le maquis a fait dérailler le train sous le tunnel du Coudoulous (6 avril 1944). J’y suis allé après l’explosion des wagons de benzol et d’ammoniaque qui a fait huit morts. C’était terrible. Il y avait des corps déchiquetés partout. Les premiers cheminots arrivés sur les lieux ont été surpris par l’explosion. Il y avait un wagon de veaux et un autre de cochons destinés aux Allemands. Nous avons pu soustraire une partie des animaux aux Allemands et nous avons tué et distribué cette viande aux habitants et aux maquis alentour. Les Allemands sont venu récupérer ce qui restait, mais ils n’ont jamais su qui avait détourné une partie de la cargaison. J’ai obtenu un certificat de la SNCF pour cette intervention à Conduché.
DIPLÔME DE CITATION à l’ordre de la Section du Sud-Ouest
”Citation de M. GHILARDI Roger en raison de sa belle conduite le 7 avril 1944
lors de l’explosion d’un wagon citerne dans le tunnel de Conduché,
a été intoxiqué par les gaz produits par l’explosion en se portant au secours des victimes…”.
Après Conduché, avec plusieurs amis réfractaires au STO dont LAGARRIGUE, nous avons pris le maquis à Pechgarrié dans les Bois-Grands.
Les gendarmes de Saint-Géry étaient avec nous. Le docteur JUBIN de Lauzès est venu nous voir.
Il a demandé qui voulait entrer au maquis. Certains ont quitté les lieux, je suis resté. Mais nous n’y sommes restés qu’une dizaine de jour. Et nous sommes partis à temps parce que les Allemands sont venus le 11 mai 1944. Ce jour-là, ils sont allés à Malaterre, tout près de Pechgarrié. Ils ont emmené deux ou trois Espagnols qui s’y trouvaient et se sont fait conduire à la grotte des Bois-grands où il y avait une cache d’armes. Puis ils les ont fusillés. On en a retrouvé un plusieurs jours après.
Dans les bois, nous mourrions de faim. J’allais à Vialolles voir le régisseur du député de MONZIE qui s’appelait DURAND. Nous étions un peu de la famille. Il me donnait à manger.
Au maquis avec nous il y avait un nommé MARABELLE, c’est lui qui négociait les coupes de bois chez les agriculteurs pour la Carderie. Ensemble nous essayions les mitraillettes STEN parachutées par les Alliés. C’était vraiment de la quincaillerie. Elles n’avaient aucune précision et ne tiraient pas loin. Elles étaient même dangereuses pour l’utilisateur... Nous faisions les essais au milieu des Bois-Grands. Un jour, un nommé GERVAIS qui montait la garde a tiré sur un Espagnol qui ne répondait pas au mot de passe. Les Espagnols voulaient lui faire la peau. C’étaient des gars courageux qui n’avaient pas du tout peur des Allemands. Finalement ça c’est arrangé, ils ont compris que GERVAIS n’avait fait qu’obéir aux ordres.
Le 11 mai, Maurice CAMINADE de Merlan et son commis ont été emmenés par les Allemands. Un homme se prétendant du maquis était venu le faire parler quelques temps avant. Il s’était fait inviter à casser la croûte et CAMINADE, en confiance lui avait dit qu’il aidait les maquisards du coin quand il pouvait. L’individu était de très petite taille mais je ne sais pas son nom (HERCULE). CAMINADE a été déporté avec son jeune commis. Il est revenu avec un poumon en moins, son commis est mort là-bas.
Témoignage de Mme COMBES Alice née en 1923 :
“Mon mari tenait notre ferme au Scandet au bord du Vers (entre Guillot et la Carderie), et faisait des coupes de bois. Il vendait le bois aux écoles de Cahors et aux administrations. Il le livrait avec un petit camion. Il y avait des Espagnols à la “filature” (Carderie). Mon mari avait embauché 5 Espagnols du camp. Il y avait aussi des Annamites dans ce camp. À la filature il y a eu aussi une fabrique de jouets, puis une discothèque plus récemment. Nous habitions une petite maison aux Scandets à Vers, de l’autre côté du Vers, en face de la route nationale qui va vers Lauzès.
Le matin du 12 mai 1944 vers 6 heures nous avons entendu sur la route un roulement de camions tous les uns derrière les autres. C'était les 32 camions qui allaient à Figeac.
Nous ne savions pas ce qui se passait, mais très vite une rumeur a circulé disant qu'une jeune fille de Lauzès, Berthe Moncoutié (avec qui j'étais allée cueillir du chasselas à l’automne à Cézac) avait été tuée tout simplement parce qu'elle était sur leur passage et un peu plus loin un vieil homme avec son chien avaient subi le même sort.
Les nazis étaient vraiment furieux.
Le soir nous avons vu repasser les camions pleins à craquer de tous ces pauvres gens. Arrivés en face de la maison sur la N. 653 le convoi s'est arrêté peut-être pour satisfaire un besoin naturel. Nous étions à la fenêtre de la cuisine. Nous avons entendu parler très fort, un moment après, tous les camions sont repartis. Nous avons eu très peur !!! Ce jour là 540 Figeacois ont été déportés (voir article de la Dépêche ci-dessous), 145 n’en reviendront pas :
“Sept heures du matin en ce 12 mai 1944. Depuis la veille, les troupes nazies sont à Figeac. La ville est complètement encerclée, les routes sont barrées.
Le tambour de la ville annonce que les hommes de 16 à 60 ans doivent se rendre à la gendarmerie place des Carmes (actuellement cité administrative) où la division SS Das Reich a installé son QG. Vers midi, tous les hommes sont rassemblés dans le local. Puis en début d'après midi, ils sont parqués dans la cour de l'école des garçons (école Bert). Les hommes restent des heures en plein soleil, debout sans nourriture. Les Figeacois ne savent vraiment pas ce qui leur arrive. Ils espèrent être relâchés, mais l'espoir s'amenuise quand des camions arrivent. On y fait monter les prisonniers ... Huit cent hommes sont entassés dans pas moins de 32 camions. Chargés à bloc les derniers ne peuvent pas prendre les 25 hommes qui restent dans la cour de l'école. Ils seront relâchés. Mais pour les autres, l'enfer ne fait que commencer. Le convoi se met en route, direction la caserne des Dragons de Montauban. C'est le début de la longue route de la déportation”.
“Le départ de ces 32 camions surchargés d'hommes et de femmes, debout constitue une vision effroyable qui ne sera jamais oubliée de ceux qui ont vécu ces heures, les plus douloureuses que l'histoire de Figeac ait pu connaître”.
Ce témoignage confirme que les Allemands avaient prémédité la grande rafle de Figeac puisqu’ils s’y rendaient avec trente-deux camions vides.
À Vers un Groupement de Travailleurs Étrangers, le 538 ème GTE, était cantonné. Il était constitué essentiellement d’Espagnols. C’était un réservoir de main d’oeuvre bon marché pour les agriculteurs de la région, pour les travaux saisonniers, l’entretien des routes, les coupes de bois. Ils ne recevaient pas de salaire mais une “indemnité” journalière très basse. Ils étaient tenus à se présenter aux autorités locales à la demande. Ils étaient maigres parce que mal nourris, et déguenillés.
Témoignage de Michel CAMBORNAC né à Vers :
“Mon père Jean Cambornac habitait au Cuzoul pendant la guerre. Il a été actif pendant la Résistance. Mais je l’ai appris plus tard car il ne disait rien pour nous protéger. Il a hébergé Élie CALMON pendant quelques semaines dans notre maison au-dessus, à la demande d’amis du maquis de Castelnau-Montratier.
Mon père bouffait volontiers du curé, comme tous les radicaux-socialistes du Lot ; Il a pourtant caché l’Abbé GAUCH d’Arcambal qui était pourchassé par les Allemands.
L’abbé résistant notoire, averti par sa soeur de l’arrivée des Miliciens venus l’arrêter s’était enfui, avait traversé le Lot sur une barque et était venu chez mon père qui l’a caché pendant plusieurs mois, dans la même maison où Élie CALMON vint quelques mois plus tard.
Un jour l’abbé disait la messe à l’étage et la trappe du sous-sol s’est effondrée sous lui.
Il a fait une chute importante mais n’a pas été blessé. Il disait en riant que Dieu n’avait pas voulu de lui”.
à suivre... épisode 11 - Musée de la résistance du Lot