épisode 8 - Caniac-du-Causse

Rédigé le 30/06/2023
la mairie


Rappel / pour retrouver l'épisode 7 -Blars - Sauliac-sur-Célé - Orniac facilement, c'est ICI / épisode 7

(une bulle verte en haut à droite de la page vous permettra d'apporter vos commentaires et remarques dans le respect de chacun).


La résistance dans les cantons de Lauzès

CANIAC-DU-CAUSSE

 

 

Extrait de document émanant du Musée de la résistance de Cahors – 15/02/2007) :

Ce village médaillé de la Résistance, est un des symboles de la lutte, dans notre département, contre l'occupant. Il abrita un maquis dans la forêt de la Braunhie.
Dans l'une des grottes de cette zone sauvage fut installée une importante cache d'armes. Avertis par les habitants, la plupart des maquisards purent pour la plupart échapper à l'attaque de la Gestapo du 26 février 1944. L'un d'eux était trésorier de l'Association Nationale des Médaillés de la Résistance en 2007.
On déplore la mort de l'aubergiste COMBES Jean le 14 octobre 1944 à Flossenbürg et celle de CACHO Narcisso le 20 février 1945 à Dachau. Le troisième déporté MARSHAL, revenu très malade, ne survécut que peu de temps.
Certains de ces maquisards poursuivirent leur lutte dans les Groupes Veny, d'autres formèrent le maquis F.T.P. Guy MOQUET
”.

Extraits de “Ombres et espérances en Quercy” - Picard et Chaussade (Éditions de la Bouriane”) :


Le maquis de Caniac :
Deux hommes sont à l'origine de la création de ce maquis : Raoul COUDERC et Mangieu, boulanger à Boissières.
Raoul COUDERC dirige en 1940 une entreprise Bois et Charbons à Cahors. Il est, de ce fait, en contact avec des exploitants forestiers. Il est par ailleurs lié avec la Grande Loge maconnique de Cahors.
C'est sous sa direction que se réalise l'enlèvement des documents de cette organisation dans les locaux de Cahors. La même opération est effectuée par ASTRUC au Grand Orient de France.

En 1942, RAOUL est en relation avec le mouvement (”Libérer et Fédérer” par l'intermédiaire de ROLAND, de Montauban. Les contacts se font chez CAMINADE restaurateur à Cahors. En 1942, RAOULsert de relais. Il récupère les réfractaires au S.T.O. en gare de Cahors et les dirige vers les exploitants forestiers. Vingt de ces hommes travaillant chez BORDES Dégagnac sont arrêtés par les gendarmes et emprisonnés à la caserne Bessières à Cahors. RAOUL organise leur évasion. Ils sautent le mur d'enceinte près de l'abreuvoir et Raoul les transporte dans le camion de FRANCOUAL vers le maquis d'Arcambal où CHAPOU les prend en charge. RAOULdoit s'occuper de plus en plus des réfractaires au STO qu'il dirige vers Caniac-du-Causse.

Pratiquement au centre du département du Lot, dans la région Causse, une vaste forêt de maigres chênes appelée “La Braunhie” au milieu de laquelle se trouve le petit village de Caniac-du-Causse.
En cette période de restriction de carburant un seul produit de remplacement : le charbon de bois. Il était donc normal que cette vaste forêt sans essences de valeur retienne l'attention des exploitants forestiers et charbonniers. Un exploitant forestier de Boissières, MANGIEU, installe d'abord une équipe de bûcherons constituée de réfugiés lorrains ayant fui l'occupant; à cette équipe se joignent bien- tôt nombre de jeunes du Lot, réfractaires au S.T.O., aiguillés sur Caniac, étant donné l'importance des travaux entrepris et la situation isolée des lieux.
Dès le début de 1943, il s'avère nécessaire de contrôler ces hommes, de les encadrer et les ravitailler. Au titre de “Libérer et Fédérer”, Raoul COUDERC prend la responsabilité du maquis. Il lui est adjoint André ROHR dit “Dédé” qui en assure par la suite le contrôle. Les recrues transitent par Cahors et sont transportées par FRANCOUAL, dit Ludo, de Cahors.
De par sa situation au centre de la forêt, le village se trouve pris dans la vie du maquis ; de l'instituteur Odet DELMAS, au receveur FAURIE, en passant par PEZIN, MEULET et autres, tout le monde participe plus ou moins aux événements journaliers ; au début, même, le P.C. sera installé au restaurant COMBES.
Après l'arrestation de Basile BORNES, exploitant forestier qui avait créé le maquis de Dégagnac, les restes dudit maquis rejoignent Caniac. BORNES arrêté d'abord en 1943 par les gendarmes de Gourdon, relâché après un internement au camp de Noé, puis repris par la Gestapo, devait mourir fusillé au camp de Souges le 27 juillet 1944.
C'est par CAMINADE que RAOUL est en liaison avec le mouvement “Libérer et Fédérer”. Sur le plan plus spécifiquement militaire, il fait partie de l'Armée secrète au même titre que d'autres maquis. Il y a d'ailleurs parfois confusion entre les hommes de COUDERC et ceux qui, après avoir abandonné Laroque-des-Arcs, sont amenés par CHAPOU vers Clavel au lieu-dit “Naudou” et qui seront soutenus par DÉFENIN

Quant au maquis de Raoul COUDERC il fait l'objet d'une traque accrue. En mai 1943, CAMINADE prévient RAOUL que la Gestapo est à son domicile. RAOUL dès ce jour prend totalement le maquis vers lequel il a entraîné un certain nombre de marins. C'est ensuite CAMINADE qui est arrêté et transféré à la Gestapo de Cahors.

Un groupe dirigé par RAOUL avec THÉVENOT Brel, André RHOR, Marcel COUDERC tente de le délivrer. Le coup de main ne réussit pas. Un homme de RAOUL est tué et la Gestapo place des chicanes et renforce sa défense. Les pertes allemandes s'élèvent à un tué et plusieurs blessés.
En juin 1943, le maquis comprend 34 résistants et son effectif va augmenter au fil des mois.
Fin novembre 1943, le maquis de Caniac se sentant surveillé, il est prévu un repli sur la basse vallée du Lot. COUDERC se rend à Montcabrier où Roger COMBAREL de Vire, a trouvé un emplacement valable. Des camions d'une entreprise téléphonique garés à Labastide-Murat sont réquisitionnés et servent à déplacer le maquis à sa nouvelle résidence.
Il est rattaché au secteur Il A.S.-Vény de Cazals aux ordres de BROUEL. Lorsque PICARD a, en septembre 1943, pris la direction de l'A.S. RAOUL est resté dans l'organisation avec toujours la double hiérarchie : Armée secrète avec PICARD et CHAPOU, chef des maquis sur le plan militaire, «Libérer et Fédérer» sur le plan civil. En effet, à Cahors, RAOUL a claqué la porte et quitté les M.U.R. Début 1944 avec le passage de CHAPOU aux F.T.P.F communistes, le maquis de RAOUL suit le mouvement. THÉVENOT par contre, rejoint, de son propre chef, le P.C. départemental A.S.-VÉNY À partir de février 1944, les activités du maquis se rattachent aux actions propres aux F.T.P.F.
Avant de quitter Caniac, il est juste de rappeler que cette petite commune de France a été décorée de la médaille de la Résistance avec rosette
”.

 

Témoignage de Jean Cuesta (*)
né le 23/02/1918 à Albacete (Espagne)
Réfugié politique de la Guerre civile espagnole 1936-1939 – Résistant.
Médaillé d’une des plus hautes distinctions militaires espagnoles.

 

J'étais employé agricole à Durbans, chez les DESPEYROUX.
Monsieur DESPEYROUX était prisonnier en Allemagne.
A mon tour, j'ai été appelé pour partir en Allemagne au STO. Je ne voulais pas partir. Madame DESPEYROUX eut une excellente idée qui, sans doute, m'a sauvé la vie.
Elle est allée en vélo à Catus où se trouvait le siège de la compagnie des réfugiés espagnols. Elle leur a dit que son mari était prisonnier et qu'elle devait s'occuper de 5.000 pieds de tabac avec un seul ouvrier, Juan CUESTA, et elle demandait aux autorités de le lui laisser. On lui a accordé un mois de plus de présence de son ouvrier.
Par la suite, on a reçu un nouveau télégramme pour aller à Catus puis partir en Allemagne, puis un autre ; deux fois en deux mois. Cette femme courageuse est repartie à Catus et a réussi à impressionner l'autorité en faisant mention des connaissances qu'elle ne manquerait pas d'informer : le Directeur Général d'Algérie.
Le capitaine lui a alors répondu de garder son ouvrier. Obtenir que je ne parte pas en Allemagne sur le champ prouvait assez ses qualités.

Hélas, au bout de trois semaines, un nouveau télégramme nous est parvenu. Alors au lieu de me présenter à la compagnie, j'ai gagné le maquis de Caniac.
On entendait parler du maquis mais il était difficile de trouver ces hommes, les gens ne parlaient pas, ils avaient peur.
J'ai passé deux jours au Restaurant COMBES. Je voyais tous les jours Jean COMBES, il était gentil. Le lendemain, en me promenant, je cherchais à savoir, par ruse mais je ne connaissais pas Caniac. J'ai alors pris un chemin et je suis arrivé chez PONS à Lale. C'était le jour où ils tuaient le cochon, le "tuaïre" était Théophile SERRE.

M. PONS a compris tout de suite quand je lui ai dit que je cherchais du travail, quelle était ma situation réelle. Alors il m'a dit :
- Je comprends très bien, vous allez manger la soupe avec nous.
Entre PONS et moi, on s'est tout de suite compris. A la fin du repas on a parlé un peu plus librement, je lui ai franchement dit quelle était ma situation.
- Vous revenez à Caniac, à midi, cinq à six hommes viendront déjeuner chez COMBES. Ces hommes font du bois dans la Braunhie mais ce travail est un prétexte, ce n'est pas le bois qui les intéresse car ce sont des Résistants.
Je suis revenu à Caniac et à midi, des hommes sont venus manger. Ils étaient à une table et moi j'étais seul à une table un peu éloignée.
Ce jour-là, il y avait un monsieur en plus, c'était M. CHAPOU. Il a dit au responsable, André ROHR:
- Qui est ce Monsieur, là-bas ?
André ROHR a répondu c'est un Espagnol qui cherche du travail... CHAPOU a tout de suite compris et il a dit :
- Quand un Espagnol vient pour gagner le maquis, il ne faut pas lui demander d'où il vient... Tu l'emmènes.
Le jour même je gagnais le maquis à Naudou, accompagné d'André ROHR. Nous étions dans une maison, chez MÉJECAZE. Je suis resté là une dizaine de jours; par la suite, il a fallu déménager, la nuit.
Le Préfet du Lot, de l'époque, était Résistant et il avertissait la veille d'une descente allemande.
M. PRADIÉ, père, a été un des premiers Résistants de l'époque, même s'il n'était pas dans l'armée secrète. Chaque fois qu'il voyait quelqu'un, il nous disait :
- Venez faire quatre heures.
Quand on partait, il nous donnait une tourte de pain.
On quitte Naudou. On suit les Résistants de l'endroit Odet DELMAS, MESMPOULET, MAURY de Labastide-Murat, HENRI, employé des Tabacs.
A la tombée de la nuit, ils préparaient...
A Pelayrac, on a trouvé BOUDET, marchand de bestiaux, Alphonse PEZIN de la Tuilerie. Le déplacement était dangereux il fallait se cacher.
A Pelayrac, le lendemain matin, il y avait vingt centimètres de neige et il faisait froid.
De là, on est allé à Labastide-Murat, dans une petite grange située après le Parc, route de Cahors. On y est resté trois jours. on était déjà une vingtaine. Au départ de Naudou, on était quatre à cinq. En 1944, les effectifs grossissaient vite.
MAURY et MESPOULET nous portaient le café le matin dans un gros faitout. A midi et le soir, la soupe.
De là, on est allé à Montcabrier où on est resté trois semaines. Nous nous procurions la viande, des agneaux morts, pris sur le ravitaillement destiné à l'armée allemande que nous réussissions à leur substituer. Un soir on leur a pris une vache vivante et elle s'est sauvée...

Cependant, l'Adjudant de Gendarmerie de Puy-l'Evêque était embêté d'avoir gardé ces denrées. Cela risquait d'attirer les soupçons de l'autorité allemande. Le lendemain matin, vers dix heures, l'Adjudant de Gendarmerie accompagné d'un Gendarme sont venus au camp et se sont adressés à la sentinelle, un jeune volontaire, sans expérience.
- On peut voir le Chef, lui demande-t-on?
Vous allez voir le Chef tout de suite leur répond-il. André ROHR me dit :
- Accompagnez-moi, s'il vous plaît.
Avant de l'emmener à la sentinelle, je leur ai demandé de déposer leurs armes.
Ils ont demandé à notre Chef André ROHR d'aller ailleurs se ravitailler, le risque étant trop grand de prendre les produits destinés aux Allemands.
Je les ai raccompagnés et leur ai remis leurs pistolets. Je n'ai pas manqué de faire la leçon à la sentinelle car nous étions devenus des Résistants avec lesquels il fallait compter.
De Montcabrié on est allé à Carlucet, à la ferme de M. Bonacoste, située à côté du château. Je faisais partie de la sécurité.
Nous sommes allés à une réunion de la Résistance au château de Mercuès, il y avait presque tous les Chefs de la Résistance et les Résistants du Lot.
Les Espagnols étions restés dehors pour monter la garde. Il faisait froid. Vers quatre heures du matin, on nous a donné du vin chaud.
Le lendemain matin, nous devions nous rendre à Caniac. Les Résistants de Labastide étaient au courant de la réunion, ils savaient qu'on devait passer par Labastide pour aller à Caniac. MESPOULET et MAURY attendaient au foirail de Labastide pour nous dire que les Allemands nous attendaient à Caniac, c'était le jour où ils devaient se trouver à Caniac.


Le Chef RAOUL, de Cahors, aidé de ROHR ont dit au chauffeur espagnol André, qu'il y avait les Allemands à Caniac...
Cependant, à ma surprise, ils lui disent :
- Allons à Caniac, là où on les trouvera, on verra bien.
L’embuscade :
On les a trouvés entre le cimetière du village et Soulomès : une voiture allemande avec quatre soldats allemands.
En arrivant à hauteur du cimetière, nous avons vu la voiture allemande en embuscade à l'entrée du village de Soulomès...
Nous avons stoppé, les Allemands se sont mis à tirer, les occupants de la voiture sont descendus en courant se sont dispersés derrière le cimetière à travers la campagne.
Je suis sorti le dernier et j'ai tiré une rafale de mitraillette : ils se sont tous couchés. J'ai sauté le talus, en contre bas, j'ai sauvé la mitraillette, quinze chargeurs de mitraillette et quatre grenades. Je me suis caché dans un champ de maïs.

Tout allait très vite, un camion suivait avec Jean COMBES attaché sur le devant du moteur. Ce camion était prêt à tout. Depuis le camion, ils ont tiré des rafales de mitrailleuse.
Mes camarades qui n'avaient pas été blessés se sont sauvés vers Labastide-Murat.
Les quatre Allemands de la voiture et ceux du camion m'ont encerclé, Je suis passé sur la route pendant plusieurs mètres, les balles sifflaient partout. J'ai été blessé. Je portais un imperméable en cuir, très lourd, des guêtres, une musette avec les armes. Je ne pouvais plus respirer. J'étais derrière le cimetière, dans un petit champ. Je voulais aller dans le chemin de droite, derrière les buissons. Au bout de quelques minutes, j'étais derrière les Allemands qui me croyaient devant et continuaient à tirer.

Dans ce chemin, j'ai rencontré une femme.
- Où allez-vous ? lui ai-je demandé.
- Je vais chercher les bêtes ;
- Malheureuse les Allemands sont là, près du cimetière, lui ai-je dit. Elle a aussitôt fait demi-tour et est rentrée chez elle, terrorisée. Je me suis alors rendu compte que j'étais blessé. J'ai su un peu plus tard que j'avais deux balles dans le bras et une dans le doigt. De là, j'ai gagné les bois, j'ai filé vers Caniac. Les Allemands faisaient le tour : Caniac – Soulomès – Labastide – Fontanes, toute la journée, il y avait quatre à cinq camions qui se suivaient.
Je me trouvais dans une clairière et j'ai repéré un grand champ entre Lale et Costes. avec un genévrier au milieu. J'ai pensé que sous ce genévrier je serais en sécurité car, dans les bois, les Allemands auraient pu lâcher leurs chiens. Sous le genévrier, les chiens ne viendraient pas me chercher. Je me suis donc posté sous ce genévrier. De là, je voyais les camions qui faisaient le tour. A la tombée de la nuit, ils se sont retirés. Le soir, je suis repassé par Caniac.
Dans la cave, à côté de chez MARIAS il y avait tout notre ravitaillement. On avait livré un camion de pommes de terre.
Les Allemands ne s'étaient rendus compte de rien. Ce soir-là, j'ai trouvé un jeune Espagnol André qui habitait à Caniac, pas loin de chez Gaston SAMBAT. Il m'a dit :
- Je vous suis, je veux rentrer au maquis. Je suis repassé à Durbans. On m'a camouflé pendant un mois, et soigné. Il y avait un nommé V… d'Espédaillac qui a su que j'étais camouflé. Il a dit :
- Vous ferez bien de faire partir cet homme-là où je lui envoie la Gestapo.
A quoi j'ai fait répondre :
- S'il m'envoie la Gestapo, il n'a que quarante-huit heures de vie !
Quelqu'un d'autre d'Espédaillac, BALMETTE m'a dit :
- Tu vas venir coucher chez moi.
Et je suis allé coucher chez cet homme-là. On m'a fait le premier pansement au bras. Je suis resté un mois dans cette ferme en me cachant. Ces gens-là étaient d'une gentillesse extrême parce qu'ils prenaient de gros risques.
Par l'intermédiaire d'Espagnols qui faisaient du bois à Espédaillac, J'ai regagné le maquis à Latronquière. Mes camarades me croyaient mort. Un autre fois on est tombé dans une autre embuscade allemande. Il a été dit :
- L’Espagnol est mort. La mère de la patronne, en me revoyant, n'en croyait pas ses yeux.
Le chauffeur de la traction, André, je l'ai retrouvé à Latronquière. Une rafale de mitraillette lui avait enlevé une partie de ses cheveux. Ceux qui lui restaient, il les a gardés en souvenir.
On recevait, une fois par semaine, une circulaire du général de Gaulle.
On a traversé bien des moments critiques. Je dois à la chance d'avoir la vie sauve.

Il y avait des miliciens, ils ne se vantaient pas mais on savait où ils se trouvaient. Cependant, faute de preuves irréfutables, un doute pesait sur ces personnes. Ils étaient payés cher, très cher pour dénoncer d'autres Français...
Le vrai nom, c'était maquis Guy MOCQUET et Armée Secrète pour la République.
VENY était un groupe. Il y avait d'autres groupes.
A Caniac c'était un groupe communiste.
On s'est caché dans la grotte de Pitaine. On allumait le feu dedans pour se chauffer et on construisait des cabanes autour pour se loger.
A Carlucet, les Allemands ont brûlé la ferme des BONACOSTE. Ces braves gens avaient été dénoncés.
A Caniac on a couché dans la maison de René VIEILLESCAZE. Le ravitaillement arrivait chez FAURIE, Receveur à Caniac, et il redistribuait les denrées.
Dans chaque commune, il y avait un secrétaire qui s'occupait du ravitaillement mais on ignorait qui c'était...
A Caniac, il y en avait un qui travaillait pour les Allemands... Il a été exécuté.
Il y avait aussi des gens parachutés : un petit avion se posait souvent portant objets ou messages.
Jean COMBES, après avoir été affreusement torturé à Caniac, dans sa grange a été déporté en camp de concentration où il est mort le 14 octobre 1944.
Et puis, c'était la guerre
Quand on était à Latronquière, on s'occupait du charbon, pendant trois semaines.
A Capdenac, il y eut une opération à la gare. Notre groupe était chargé de la gare. Les Allemands étaient là. J'ai réussi à prendre position en face de la gare, dans un wagon. Avant de donner l'assaut, j'ai vu un commandant allemand très grand. Il fallait que j'agisse vite. Une sentinelle faisait le va-et-vient salle d'attente-quai...
J'ai crié :
- Haut les mains !
L'Allemand a levé les bras... J'ai réussi mon coup... et puis, j'ai arrêté la sentinelle. Ils étaient faits prisonniers, il était 18 heures.
Un Français qui travaillait au dépôt des locomotives m'a informé qu'il y avait sept à huit Allemands qui prenaient pension parmi eux, neuf gradés.
On a perquisitionné : deux sur neuf se sont mis une balle dans la tête plutôt que de se rendre. Les derniers ont levé les bras... et ils ont eu la vie sauve mais ils étaient prisonniers des Français.
Il y avait deux cent cinquante prisonniers Mongols et Soviétiques qui nous ont suivis au maquis.

A Sabadel-Latronquière puis à Cardaillac, on a fait des embuscades avec les grenades Gamond (un chiffon avec de l'élastique au fond). On remplissait de plastic les grenades qui explosaient au moindre choc.
A Cardaillac, on attendait... on a vu des civils français derrière, des Allemands à pied tenant un vélo par le guidon. Nous étions un peu loin derrière, ils ne nous attendaient pas. Nous les avons laissés passer puis nous avons lancé une grenade... il y en avait vingt-cinq à trente... qui sont tombés. Celui qui était derrière s'est jeté dans les ronces... et il s'est sauvé.
C'était la déroute des Allemands après le débarquement. On a interrompu les actions pendant 72 heures. Puis il y eut une embuscade à Leyme trois camions. Après ce fut le départ pour Cahors, Montauban, la Pointe de Grave puis vers l'Allemagne.
A la frontière j'ai fait le douanier pendant une semaine pour contrôler les mouvements de personnes et des marchandises. Les Américains avaient leurs bases de ravitaillement en France
”.

 

Témoignage de Jean CUESTA
recueilli à Lauzès en mars/avril/mai 2007


"J’étais favorable aux anarchistes mais comme c’était pas réaliste, je suis allé aux Jeunesses Communistes (Jean était un peu des deux, fasse que ses mots réconcilient les anarchistes et communistes espagnols qui continuent de se déchirer alors que sous le vocable de ”Républicains”, ils luttaient pour un même but : la Liberté. Leurs enfants ont peut-être tourné cette page douloureuse de division. Quand on les interroge, ils ne disent pas” je suis d’origine espagnole”, mais ”je suis fils ou fille de Républicain espagnol”… ). Je suis d’Albacete. Je me suis enrôlé dans la 5ème compagnie de volontaires. Albacete c’était le lieu d’instruction des Brigades internationales.

Je me suis battu en Espagne mon pays, contre les troupes de FRANCO : la légion Tabors et la légion marocaine. Je me souviens qu’il y avait un général italien dans les Brigades Internationales : DEROTTI et un autre GARIBALDI. Ils passaient une inspection dans le réfectoire, goûtant dans les plats en passant pour voir si la nourriture était correcte. C’étaient nos chefs, mais dans les B.I., il n’y avait pas de rapport de chef à soldat comme dans les autres armées.

Nous étions avant tout frères d’armes, personne n’aurait penser à contester un ordre, aucun ordre n’était donné qui ne soit nécessaire et réfléchi, indispensable.
Quand j’ai passé la frontière française avec les franquistes à nos trousses, j’ai pleuré.
J’ai d’abord été interné à Argelès sur la plage avec 100.000 réfugiés, hommes, femmes et enfants. Sans abri, en plein hiver, presque sans eau et sans nourriture.
La France n’était pas encore en guerre contre l’Allemagne. Là-bas des commissions militaires faisaient le tour du camp pour enrôler ceux qui pouvaient être utiles à la lutte contre Hitler : les pilotes de chasse, les conducteurs de tanks ou les chauffeurs.
Je ne savais rien faire de tout ça, on m’a envoyé dans un camp dans les Pyrénées à côté de Pau, à ”Gurs” (
Le camp de Gurs était un camp “semi-répressif” réservé aux espagnols jugés “dangereux” : anarchistes, commu-nistes, tous ceux qu’on appelait les “indésirables en surnombre dans l’économie française”.).


“À Gurs il y avait de la boue et tellement de rats qu’ils attaquaient l’homme quelquefois. Nous étions 20.000 Espagnols. Petit à petit la vie s’est organisée dans le camp. Nous avons fait un terrain de sports.
Il y avait des artistes. Ils faisaient des statues très belles, de vraies statues. Nous dormions par terre avec une couverture, sur de la paille. Il y avait une allée au milieu du baraquement, deux fenêtres et deux portes. Un jour les gardiens sont entrés : “ Tout le monde dehors avec votre barda”. Je pensais que nous allions changer de camp. J’étais le premier prêt. Dehors je me suis trouvé face à deux tables avec deux gendarmes français au milieu. À gauche il y avait un militaire de FRANCO, à droite un civil français. Le camarade qui était derrière moi m’a tapé dans les côtes, discrètement pour que je le laisse passer devant. j’étais jeune, lui devait avoir cinquante ans. Je lui ai cédé ma place. Les gendarmes français nous ont expliqué : “à gauche c’est l’inscription pour le retour en Espagne, à droite la Légion étrangère en Afrique”. Dès qu’on nous a dit d’avancer, mon compatriote a refusé de choisir avec un air de défi.
J’avais 20 ans je ne savais pas trop quoi faire. Sa décision courageuse m’a donné confiance. je l’ai suivi et la plupart de ceux qui nous suivaient ont fait de même.

Il y avait une file d’attente à droite, presque personne à gauche, nous étions quelques uns seulement à avoir refusé. Son courage nous a sauvé la vie. La plupart de ceux qui sont retournés en Espagne ont été fusillés après avoir été torturés ; les autres sont partis en Afrique du nord.

Peu de temps après j’ai été envoyé à La Salle-Durbans près de Livernon en C.T.E. (Camp de Travail pour Étrangers). Ils avaient besoin de travailleurs pour stocker des quantités énormes de “munitions”. Ce devait être en juin 1940 parce que les Allemands approchaient du Lot, ils sont arrivés à Brive au moment où nous avons quitté le camp. Mes camarades espagnols avaient même “emprunté” la voiture du chef du camp pour repartir vers l’Espagne, pour fuir les Allemands. Moi je n’avais rien à faire chez Franco, j’ai préféré prendre le risque de rester. Au camp de Durbans donc, nous étions 200, tous Espagnols du camp de Gurs. Comme d’habitude nous sommes arrivés sur un terrain nu.
On nous livrait le matériel et nous construisions nous-mêmes les baraquements où nous allions habiter. Il y avait une fontaine.

À Durbans, c’était les mêmes baraques qu’à Gurs, sauf que nous n’y avons pas habité. Nous logions à Livernon dans une ferme inhabitée à la sortie de Livernon. Nous étions gardés par des soldats français en armes. Nous n’avions pas le droit de sortir, pas le droit de dire ce que nous faisions à Durbans et surtout pas de parler des ”munitions”. Nos gardes avaient les mêmes instructions. On venait tous les matins à pieds de Livernon.

Il y avait des militaires qui montaient la garde autour du camp 24 h sur 24, il n’y avait pas de clôture. Les “munitions” ce n’était pas des armes ou des obus, c’était du gaz moutarde de la guerre de 14-18, de l’ypérite ! Il était stocké dans des baraquements en bois. Pour faire venir tout ce matériel, des quantités énormes, nous avons construit une ligne de chemin de fer entre la gare d’Assier et le camp. C’était une ligne avec un écartement étroit ; il y roulait des wagonnets de mine tirés par une locomotive à vapeur à empattement étroit. Nous faisions trois ou quatre voyages d’une douzaine de wagonnets par jour entre la gare et le camp. Tout le monde devait porter obligatoirement des masques à gaz, en permanence. Ceux qui manipulaient les cageots devaient porter des gants. Le train était grand. il est resté un mois en gare à Assier avant que tout soit déchargé. Il n’y avait rien d’autre que ces bouteilles de gaz. C’était stocké dans des caisses en bois de 6 ou 8 bouteilles en verre, bouchées avec des bouchons en liège attachés avec du fil de fer, exactement comme le champagne.

Ces bouteilles étaient mises dans des obus tirés sur les lignes ennemies. Les bouteilles explosaient au sol et le gaz au contact de l’air se répandait. Il fallait sans doute éviter que ce matériel tombe aux mains des Allemands.

Dans les casiers, il y avait des bouteilles qui fuyaient. On nous a donné l’ordre de les enterrer. Moi j’ai toujours refusé d’y toucher. Heureusement pour moi je n’ai pas eu d’ennuis parce qu’il y avait beaucoup d’autres occupations au camp. Les gaz étaient mortels, c’est ceux qui ont été utilisés en Irak. Ça ressemblait à de l’huile et ça provoquait des blessures profondes sur la peau, ça irritait les yeux, ça brûlait les poumons. Les gars devaient mettre des masques et des gants. Malgré ça, plusieurs gars ont été contaminés, c’était pas beau à voir. Ils sont partis à l’hôpital de Cahors, on ne les a jamais revus. Ces bouteilles sont sûrement encore enterrées là-bas, nous en avons enterré des centaines pas très loin des baraques. On avait creusé un grand trou, c’était à moins d’un mètre de la surface. Nous avions planté des piquets autour et mis une ou deux rangées de barbelés autour et posé une pancarte. C’est resté comme ça quand je suis parti. Il y avait un vrai village de baraquements, c’était très grand, à Salle-Durbans.

Je lui demande :
- “Est-ce qu’il y avait du métal dans ce que vous avez enterré, ça nous permettrait de localiser les bouteilles avec un détecteur de métaux ?” ;
- Pensez-vous que ces bouteilles ont pu être retirées du terrain par la suite ?”.
”- Je ne crois pas qu’il y avait du métal, mais je ne sais pas bien parce que j’avais refusé de faire ce travail. Il y avait au moins les clous qui fixaient les casiers à bouteilles et les agrafes des bouchons. Ça m’étonnerait que l’armée ait enlevé ces bouteilles, c’est trop dangereux. Pour celles qui étaient stockées en surface, je pense qu’elles ont pu être envoyées en Irak pour la guerre du Golfe.
Après Salle-Durbans je suis parti au camp de Catus. Je ne sais pas ce qu’est devenu de camp de Salle-Durbans. Je ne sais pas non plus ce qu’est devenu le gaz stocké dans les baraques. Je pense que l’armée l’a vendu... Il y en avait des quantités énormes. Tout a rapidement disparu, les baraques et toutes traces du camp. En une semaine tout pouvait être démonté et disparaitre”.
Nous sommes retournés sur les lieux ensemble le 13 mars 2007, puis en avril 2008 avec un journaliste de la Dépêche-du-Midi.

 

La Dépêche du Midi le 10/04/2008 :
Durbans. Du gaz moutarde enfoui sous le causse :

”Il n'a rien oublié. A 90 ans, Jean CUESTA, résistant espagnol, a ouvert son livre de souvenirs pour nous. Et livré un épisode encore méconnu de la seconde guerre mondiale. Jean CUESTA a participé, en 1940, à l'enfouissement de gaz moutarde du côté de Durbans, dans le canton de Livernon. D'énormes quantités que l'armée française voulait soustraire aux Allemands ont été stockées dans une vingtaine de baraquements dans un champ. Jean CUESTA affirme que tout a été enlevé après guerre. Tout sauf quelques bouteilles qui sont toujours enfouies dans le champ.
Une version que confirme le propriétaire que nous avons rencontré sur place, il y a quelques jours : « Quand j'ai acheté cette terre en 2003, on m'a dit qu'il y avait ce gaz mais qu'on ne risquait rien si on n'y touchait pas ». La parcelle sur laquelle sont censées être enterrées les bouteilles d'ypérite, le nom scientifique du gaz moutarde, n'est donc pas travaillée.

”C'était en juin 1940. J'étais en camp de travail pour étranger à Durbans. On avait besoin de travailleurs pour stocker des grandes quantités de munitions. Nous étions 200, que des Espagnols du camp de Gurs. On nous a dit de construire des baraquements où nous devions habiter. Nous n'avions pas le droit de dire ce que nous faisions”.
Très vite, Jean CUESTA et ses amis s'aperçoivent qu'ils trimballent du gaz moutarde utilisé lors de la première guerre mondiale. Un gaz qui brûle et peut même provoquer la mort : ”Le gaz était stocké dans de grands baraquements. Pour faire venir le gaz, nous avions construit une ligne de chemin de fer entre la gare d'Assier et le camp. Tout le monde devait porter obligatoirement des masques à gaz. Ceux qui manipulaient les cageots étaient tous volontaires”.
Jean CUESTA s'y refusa toujours. Vigilant, il s'aperçoit vite que ”des bouteilles fuyaient, dans des casiers. On nous a donné l'ordre de les enterrer ; d'abord dans une fosse. Mais il y en avait tellement que mes camarades étaient obligés de les enterrer près des dernières baraques”.
”On ne les a jamais revus”


Jean CUESTA a tout vu : ”Ces gaz ressemblaient à de l'huile et ça provoquait des blessures profondes sur la peau, ça rongeait jusqu'à l'os, ça irritait les yeux, ça brûlait les poumons.
Plusieurs gars ont été contaminés. C'était pas beau à voir. Ils sont partis à l'hôpital de Cahors. On ne les a jamais revus”.
Comment est-il certain que les bouteilles de gaz y sont encore ? ”On a voulu nous faire croire que les bouteilles entrées avaient été retirées par l'armée en 1968. Je ne le crois pas, assure Jean CUESTA. Il aurait fallu établir un périmètre de sécurité important qui aurait interpellé la population (
Odile Bienvenu du restaurant de Scelles (Flaujac-gare) n’avait jamais quitté les lieux. Elle n’avait aucun souvenir d’une intervention de cet ordre sur ce lieu, alors que tous les ouvriers du secteur déjeunaient chez elle.) ”.
Jean CUESTA avait enfoui cet épisode dans un coin de sa mémoire. Plutôt que de repartir en Espagne, il a pris le maquis, à Caniac en 1942. Plus tard, il a travaillé comme ouvrier agricole.
Alors que sont devenues ces bouteilles ? Jean CUESTA a sa petite idée : ”Il était trop dangereux de manipuler les bouteilles enterrées. Pour celles qui étaient stockées dans les baraques, en surface, je pense qu'elles ont été envoyées en Irak pour la guerre du Golfe
”.
Laurent Benayoun.


Jean CUESTA n’est pas homme à fabuler, sa vie entière l’a démontré. Nous avons eu confirmation de ce qu’il disait : la fontaine au bord de la route de Livernon, des plots en béton témoins de baraquements. Il avait situé très précisément l’emplacement des baraques du camp, l’endroit probable mais imprécis où aurait été enterré l’ypérite il y a soixante-dix ans, bien que le paysage ait été chamboulé. La présence d’un camp à cet endroit, et l’existence de la ligne de wagonnets aujourd’hui disparue, nous ont été confirmés, ainsi que l’enfouissement de… “munitions”.
En revanche, la mémoire collective a oublié que la “Grande muette” a enterré là, sur un terrain agricole privé, non pas des “munitions”, mais de l’ypérite, un gaz liquéfié qui brûle la peau et les yeux, qui provoque des cancers du larynx, des poumons et des os. Il y a de fortes probabilités, le terrain ayant été dépierré récemment, que le gaz sommeille à quelques centimètres des crocs des bulldozers qui ont arraché les pierres, qu’il suinte sous les plantations depuis plus de soixante ans. Quel pourrait être l’effet de cette huile sur des plantes consommées par les brebis, qui finissent elles-mêmes dans nos assiettes ?
N.B. : l’ancien petit séminaire de Montfaucon, désaffecté suite à la séparation de l’Église et de l’État en 1906, fut transformé en sanatorium en 1916 pour accueillir les “gazés” de la guerre de 14-18.


Témoignage de Jean CUESTA recueilli à Lauzès 2007 (suite)

Après le camp de Catus je suis allé dans une ferme vers Livernon, puis je suis revenu dans une ferme à Durbans. Quand je suis venu à Durbans, le camp avait disparu, il ne restait rien.” Personne ne savait que nous avions enterré ces bouteilles de gaz dans le terrain. Moi-même je n’en ai parlé à personne. C’est en repassant devant le terrain avec vous que je m’en suis souvenu.


Ensuite je suis parti dans la Résistance. J’étais au maquis de Caniac, puis à Naudou et Bonneau. À Clavel, il y avait un fermier qui nous disait à chaque fois qu’il nous voyait, venez prendre un quatre heure à la maison. Nous étions jeunes, nous avions toujours faim. Un Bordelais est arrivé au camp un jour. Il a demandé comment je m’appelais, j’ai dit Juan. À partir de ce jour, tout le monde m’a appelé Juanito. Nous sommes aussi restés cachés à Malpeyre sur la commune d’Artix. des agriculteurs nous avaient apporté de la paille s’était le luxe. Le lendemain nous nous sommes réveillés, il y avait trente centimètres de neige. Nous avions froid. Et nuit et jour il fallait monter la garde à une certaine distance, cachés derrières des buis ou des genévriers.

Je parle à Jean CUESTA de ma matinée à Leyme lors de la manifestation très émouvante autour de l’arbre de la Liberté (23 mars 2007). Je souhaitais l’emmener avec moi, mais je n’ai pas pu l’avertir à l’avance, je m’étais rendu au camp de Septfonds la veille : il n’était pas levé à mon départ.
Devant de nombreuses personnes et les élus de gauche du Lot, dont Marie PIQUÉ, les espagnols ont entonné Carmela, l’équivalent du chant des partisans français. Les derniers survivants de la Retirada levaient le poing, symbole de la résistance républicaine espagnole. Beaucoup ont versé une larme devant ces anciens très âgés, devant leurs enfants et petits-enfants. Nous leur devons notre Liberté… J’avais les yeux humides en pensant au petit Juanito cet enfant d’Albacete arraché aux siens, à tous ces Espagnols qui s’étaient jeté dans notre bataille au nom de la Liberté universelle.

“J’étais à Molières. Là-bas nous avons tendu une embuscade aux Allemands sur une route près de Leyme. Nous étions quatre maquisards contre trois camions.
Les maquis VÉNY du Lot c’était des maquis de droite ou socialistes, pas très combatifs. Quand j’étais jeune j’étais leste. Si je ne l’avais pas été, je ne serais plus là.
Nous faisions respecter le maquis. Un individu nommé B. vendait des renseignements aux Allemands. Un jour à la sortie de la messe, il se vantait : “Si je veux, disait-il, demain je fais raser le village de S... Il ne restera rien”. Je l’ai appris. J’ai envoyé deux hommes du maquis de Molières pour s’occuper de son cas.

Il s’est barricadé dans sa maison et a refusé d’ouvrir. Quelques jours plus tard, il a été attrapé par le maquis d’Orniac qui l’a fusillé.
Un jour nous avons attaqué la gare de Capdenac. J’étais en couverture avec un camarade. Nous nous étions approché très près en nous cachant derrière les wagons de marchandises.

Un Allemand faisait les cents pas dans la salle d’attente avec une mitraillette à l’épaule, le doigt sur la gâchette. Un bonhomme est sorti au loin d’un bâtiment. Nous le voyions mal. il était habillé en bleu marine.

Nous avons d’abord cru que c’était un cheminot. Quand il a été assez près j’ai vu que c’était un Allemand, grand. Il avait un révolver à la ceinture. J’ai dit à mon camarade de me couvrir et à ne pas hésiter à balancer une rafale dans le tas, moi compris, s’il voyait que ça tournait mal, s’il apercevait que l’Allemand faisait un geste vers son pistolet. J’ai désarmé l’officier. Je me suis posté à la porte de la salle d’attente. Quand la sentinelle est arrivée près de la porte, je lui ai collé ma mitraillette dans les côtes. Il a eu tellement peur qu’il en a laissé lâché la sienne qui pendait autour de son cou. Le maquis a envahi la gare. Un autre type est sorti du bureau du chef de gare, avec un pantalon marron et une veste blanche. Je l’ai laissé approcher. Il a demandé le chef. Je lui ai désigné VICTOR notre capitaine. Il a dit : “je viens vous donner mon pétard”. J’étais méfiant, prêt à tirer s’il avait esquissé le moindre geste. J’étais avec RAOUL (COUDERC secrétaire du Parti socialiste) et DÉDÉ. J’avais peur qu’il tire sur notre chef. J’étais prêt à lui balancer une rafale. Il a pris son arme dans sa poche arrière avec sa main droite et avec précaution il l’a posée sur sa main gauche, à plat. C’était le chef de gare allemand (il y avait aussi un chef de gare français). Il suppliait qu’on l’emmène prisonnier : “De toutes façons, si on nous prend nos armes, nous sommes fusillés”. Il disait : “Croyez-moi, demandez aux autres maquis, ils devaient enlever 500 personnes à Capdenac, c’est grâce à moi que ça ne s’est pas fait”.
Un cheminot français est venu nous avertir qu’il y avait des Allemands à l’Hôtel. J’ai donné l’ordre à mes compagnons de surveiller les fenêtres et de tirer si elles s’ouvraient. Nous avons encerclé l’hôtel. Je suis entré avec MARIUS. Le patron nous avait vu arriver, il tremblait derrière son comptoir, il faisait semblant de laver ses verres la tête baissée dans son bac.
- Il y a des Allemands ici, lui ai-je demandé ?
- Oui, a-t-il répondu, ils sont dans leur chambre à l’étage, ils sont neuf.
Nous sommes montés. Il y avait un long couloir avec les chambres sur le côté gauche. J’ai dit à MARIUS de rester derrière moi et de me couvrir. Je me suis avancé. Je savais que les Allemands se battaient jusqu’au bout face aux maquisards. Ils savaient que nous ne leur ferions pas de quartier après ce qu’ils faisaient subir aux nôtres quand ils en attrapaient. J’ai tapé à la première porte avec le canon de ma mitraillette. J’ai entendu plusieurs coups de feu et j’ai vu la porte voler en éclats. Je me suis jeté de côté. Quand j’ai ouvert la porte, l’homme gisait dans son sang, il s’était tiré la dernière balle dans la tête. Les autres portes se sont ouvertes et plusieurs hommes sont sortis les mains en l’air. C’était bizarre : depuis le début de l’opération ils nous voyaient de leurs fenêtres, aucun pourtant n’avait réagi. sans doute espéraient-ils que nous les oublierions.
Nous étions inquiets parce qu’il y avait une garnison de deux cent cinquante Allemands à Capdenac. Nous nous sommes aperçus qu’il s’agissait de Russes et de Mongols enrôlés de force à Stalingrad. Eux aussi étaient habillés en bleu marine. Ils n’étaient pas du tout pour les Allemands. Ils ont rejoint nos rangs.

Dans mon camion, il y en avait un qui pleurait tout le temps à côté de moi. Je ne comprenais pas ce qu’il disait lui ne comprenait pas ce que je disais. Il parlait russe.

Lors d’un arrêt pour pisser, je l’ai dirigé sur un Alsacien de notre groupe qui l’a interrogé en allemand. Il croyait que nous allions les fusiller.
Après je suis parti à la Pointe de Graves puis avec de LATTRE de TASSIGNY et nous avons remonté la vallée du Rhône jusqu’en Alsace.

J’ai été affecté à la frontière à Sarrebruck. Nous contrôlions le passage sur le Rhin. Les Américains venaient chercher le ravitaillement côté français. Un jour une jeep est arrivée avec trois camions. Nous avions des consignes strictes. Des Allemands tentaient des coups de main derrière nos lignes pour nous prendre à revers. C’étaient des véhicules américains, mais les Allemands se déguisaient.

Ils n’ont pas répondu aux sommations. Nous avons tiré et crevé les pneus de la jeep. Ils ont eu de la chance de ne pas être touchés. C’étaient de vrais Américains. Leur chef ne parlait pas français, je ne parlais pas anglais. Il parlait assez bien espagnol, c’était un fils d’émigrés espagnols en Amérique. ils ont abandonné la jeep. Ils ont franchi le pont et sont partis. Plusieurs fois j’ai rencontré des Américains qui parlaient espagnol.
Dans chaque village il y avait un “correspondant” de Vichy qui pour de l’argent renseignait les Allemands. Plusieurs ont été pris et descendus par les maquis quand après avoir reçu un avertissement ils continuaient leur trafic. Au maquis nous faisions la différence entre ceux qui parlaient parce qu’ils étaient obligés sous la menace ou la torture et ceux qui le faisaient par intérêt. Tout le monde les connaissait. Certains ont reçu des cercueils en signe d’avertissement. Dans le bas de Lauzès, il y en avait un qui avait mal compris ce que voulait dire le cercueil ; nous sommes allés tirer une rafale de mitraillette sur sa maison.
Les communistes c’étaient des idéalistes, des purs, des gens, hommes ou femmes qui étaient prêts à donner leur vie contre le fascisme, pour défendre la République et la démocratie.
Nous les Espagnols, n’avions plus grand chose à perdre. Nous avions dû quitter notre pays, notre famille. Nous les avions laissé aux mains des franquistes ; nous étions enragés de notre impuissance. Notre vie n’avait plus d’importance. Nous avons été surpris de voir que les Français n’étaient pas aussi engagés ni aussi conscients politiquement que nous.
Après la fin de la guerre je suis parti travailler comme forestier en Allemagne. Nous étions payés deux fois plus cher qu’en France, pour le même travail. Un dimanche nous avons décidé d’aller par le train à Lansberg c’était la plus grande usine de fabrication d’avions de chasse allemands. La ville et les usines n’étaient plus qu’un amas de ferrailles tordues. Nous avons entendu quelqu’un nous interpeller en espagnol.
C’était un gradé militaire habillé en gris. Il nous a demandé si nous étions espagnols. Lui aussi. Comme nous il était passé par le camp d’Argelès-sur-Mer. Il avait été enrôlé par la France comme pilote de chasse. Il était devenu chef de l’aviation en Allemagne. Il nous a donné son nom et son adresse en Allemagne et nous a dit de venir le voir ; nous n’y sommes jamais allés”.

Qu’est-ce que vous pensez de… tout ça, avec le recul ?
”Je ne regrette rien. Je recommencerais si c’était à refaire. L’Espagne c’était mon pays, je me suis battu pour lui. J’ai été jeté dehors par les fascistes.
J’ai continué de me battre contre eux, en France.
Aujourd’hui, les invalides de guerre fascistes espagnols et allemands, sont pensionnés de guerre dans leur pays. Les Républicains émigrés espagnols estropiés, sont obligés de travailler pour survivre. C’est l’injustice, et la leçon de l’Histoire
”.

Je me suis pris d’amitié pour Jean CUESTA, un homme modeste et discret. Il vivait dans sa petite maison au pied de l’église de Lauzès encombrée de meubles provençaux qu’il fallait déplacer pour s’asseoir. Seul, il se nourrissait très mal.
Une fois par mois avec Roger PÉRIÉ, puis quelquefois avec Claude GRIFFOUL, nous l’emmenions déjeuner à l’auberge ”chez BIENVENU” à Scelles.
Il connaissait bien Odile MONTAL. Il avait logé à l’auberge, à la Libération.
C’est à cette occasion qu’un jour il m’a révélé l’épisode du gaz moutarde, en prenant la route du retour à Lauzès par Espédaillac.
En 1945, le droit à la naturalisation récompensera les étrangers qui ont participé à la Résistance. En parallèle, les prénoms espagnols des monuments aux morts de la guerre, se verront ”francisés”. Ils deviendront Jean pour Juan, Paul pour Pablo, etc., faisant disparaitre furtivement leur origine républicaine espagnole.

 

Témoignage de M. Robert Sabrou – Résistant.

Je suis rentré au maquis de Caniac le 1er septembre 1943. Nous étions trois : LEBOUCHER André et un Bordelais PAUL.
Deux ou trois jours après mon arrivée nous étions une dizaine dont CHARLOT, plâtrier à Gourdon... Nous étions à côté des grottes : une, servant à remiser du matériel et l'autre qui possédait des stalagmites de toute beauté, à 500 mètres environ du hameau le plus proche, Bonneau.
Nous logions dans une cabane à brebis, le sol était constitué par de la paille. Nous recevions tous les jours la visite de deux charmants garçons : un de 15 ans ZÉZÉ, et un autre, réfractaire aussi, RAYMOND, natif de Montcuq qui nous apportaient le ravitaillement, maigrelet d'ailleurs.
Nos deux chefs, Raoul COUDERC et André ROHR, s'occupaient de coupe de bois dans la Braunhie. Nous les voyions le soir, à la nuit à l'auberge COMBES Là se trouvait le siège social.
Le dévoué patriote, Jean COMBES, eut un destin tragique. Nous montions la garde à tour de rôle. Comme tout armement, nous avions un pistolet 7/65 appartenant à LEBOUCHER et un fusil de chasse. Nous avons attendu jusqu'au mois de novembre pour avoir des armes.
A l'origine nous faisions partie de l'Armée Secrète puis nos chefs ont fusionné avec Philippe CHAPOU, à la tête des premiers maquis F.T.P. du Lot.
Ceci nous a permis de recevoir des armes : mitraillettes, plastic.
Deux ou trois fois par semaine nous faisions la chasse aux collaborateurs, à cinq ou six, avec une traction (probablement réquisitionnée) et aussi nous cherchions du ravitaillement. On s'occupait comme on pouvait pendant la journée.

Avec Dédé LEBOUCHER nous allions dans les fermes pleurer pour nous procurer quelques denrées. Avec mon copain, nous allions réparer les pendules. Au café, à Sénaillac, nous avons été surpris par les gendarmes de Lauzès.

Heureusement que je faisais le guet sinon ils embarquaient mon copain. Par la suite, nous avons souvent changé de site car nous étions traqués, nos coups de main devenaient de plus en plus fréquents. Nous étions de plus en plus nombreux.

J'ai participé à de nombreuses embuscades et à des coups de main plus importants : Occupations de Cajarc – des abattoirs de Puy-l'Evêque – du Viaduc de Souillac – des 5 locomotives de Capdenac, prêtes à partir pour l'Allemagne – Prise de la Prison de Figeac désaffectée où se trouvaient 15 tonnes d'armement – A Decazeville à l'Hôtel de la gare.

Avec mon ami LEBOUCHER nous avons fondé le Parc-auto de Cuzal. A la libération nous avions au moins 25 véhicules, autos et camions qui ont servi à la Libération de Toulouse et autres communes.
Nous devons dire un grand merci au facteur et patron de l'Hôtel à Marcilhac-sur-Célé qui nous a aidés à réquisitionner les véhicules.
Hélas, beaucoup de copains nous ont quitté ! Nous n'avons que nos souvenirs, nous les oubliés. Aucune reconnaissance n'est jamais venue.

P.S. Si le gouffre de Pitaine à Caniac pouvait parler, vous en apprendriez de belles !

 

Extraits du livre de Jeanne-Luce MARCOULY
“CANIAC DU CAUSSE EN QUERCY” (Éd. de la BOURIANE 1998)

Les Allemands à Caniac :
Soudain, le samedi 24 février 1944 ce fut effroyable.
Jean COMBES fut arrêté en pleine nuit par la Gestapo, sa maison perquisitionnée, aux yeux de sa femme et de ses enfants terrorisés. Sa fille, Jeannette COMBES, nous en a fait le récit."

 

Témoignage de Jeannette COMBES :

A Caniac, le café-auberge COMBES allait héberger, durant plusieurs mois des jeunes gens qui faisaient du bois, dans la Braunhie, pour faire du charbon de bois. Au début, un jeune homme appelé MANGIEU, originaire de Boissières. Il avait embauché les frères ROHR, André et Joseph. Tous les trois habitaient chez COMBES. Au début, ils ne parlaient de rien. Ils faisaient du bois, c'est tout.
Ils sont arrivés.
MANGIEU nous a amené un homme à cacher dans la Devesse, on lui apportait tous les jours à manger.
Après, il en est venu deux autres. Puis le maquis s'est organisé.
Jeannette COMBES a vu à Naudou le groupe de Gourdon qui était venu rencontrer l'autre maquis dont le chef était Jean ADMIRAT.
Jean COMBES, mon père, a été arrêté le samedi 24 février 1944. Les Allemands sont venus la nuit à trois heures du matin.
C'était la Gestapo ; ils étaient très nombreux, plus d'une centaine venus de Cahors. Ils ont tapé fort, ils sont rentrés.
Mon père a eu le temps de dire à ma mère
—Tu passes par le jardin et avertis les autres... MARSHAL qui habite un peu plus haut...
En peu de temps la maison a été envahie. Mon frère et moi, on est resté dans le lit. Ils ont tout chamboulé, passaient la crosse sous le lit.

On a vu qu'il n'y avait pas mon père, on a pensé qu'il s'était sauvé, par derrière, mais les Allemands s'étaient postés au bout du chemin et il a été arrêté là.
Ils voulaient lui faire dire s'il y avait des munitions.

Alors il ont emmené à la grange ma mère. Ils avaient déjà emmené mon père pour l'interroger puis le torturer.
- Si tu ne nous dis pas où est le maquis, on te tue, le canon pointé sur la gorge, lui ont-ils dit.
Elle n'a pas parlé et elle est revenue à la maison.

Ils ont emmené mon père dans les Communaux, l'ont battu, maltraité, torturé... Ils l'ont ensuite transporté à Cahors, au Petit Robinson, un ancien dancing réquisitionné. Les Allemands y avaient fait leur siège.
Quelques jours plus tard, nous sommes allés à Cahors pour le voir et lui porter un colis avec du linge et de la nourriture.
- Monsieur COMBES était bien là mais il a été transféré à Toulouse à la prison Saint-Michel, mais vous pouvez lui porter des colis... nous ont-ils dit.
Nous avons laissé ce colis et j'ai réalisé un peu plus tard que ce colis ne lui serait jamais remis...
Mon père est resté quelques temps à la prison Saint-Michel, ma mère s'y est rendue plusieurs fois.
Il fut transféré au camp de Compiègne, dans plusieurs autres camps puis le dernier à Flossembourg Allemagne.
Aussitôt après la guerre nous sommes allés au camp. On a vu les fours crématoires, à côté, des montagnes de chaussures, celles des prisonniers ayant subi le triste sort. Le vent soulevait la poussière. Il y avait bien sur les registres, le nom de mon père mais on n'a pas su exactement où il se trouvait. On a vu l'endroit où on les faisait travailler, c'était très humide, des salines. Le four crématoire était dans le bas-fond et il y avait un rail qui y accédait, pour faire descendre les corps...

Mon père se trouvait dans le même camp que MARSHAL. Celui-ci, qui en est revenu, s'est marié avec une jeune fille de Caniac, FAURIE. Il nous a dit :
- J'ai vu Monsieur Jean COMBES le matin, le soir, quand je suis rentré, il n'était plus là. Ce fut le dernier témoignage que nous ayons eu.
Ma mère est retournée dans ce camp avec mon frère Roger. Le camp était méconnaissable. Ils avaient presque tout fait disparaître, l'avait arrangé en lieu d'accueil des familles, de visiteurs.
Un diplôme de la Résistance a été décerné à mon père ainsi qu'à d'autres résistants, à titre posthume.
L'arrestation de mon père a eu lieu le samedi 24 février 1944 et ils sont revenus le mardi. Ce même jour ils sont allés chercher BRUNET qui était alors domestique chez CASSAN. Ils ont à nouveau tout remué. Après tous ces actes terrifiants, ma mère et moi n'avons plus voulu coucher dans cette maison.
Tout le monde à Caniac aimait Jean COMBES et les habitants ont entendu ses cris tandis qu'on le maltraitait dans les Communaux. Ce samedi fut une journée terrible pour tous.

La Gestapo n'était pas arrivée, par hasard dans cette maison. Quelqu'un avait bien dénoncé Jean COMBES. Et là, on ne peut qu'être affligé de savoir que pour de l'argent un homme peut dénoncer un autre homme. Le martyre de Jean COMBES a vu l'entière désapprobation d'une population honnête et digne qui a su trouver sa ligne de conduite.
Toute la journée des camions allemands effectuaient une ronde : Caniac Soulomés, Labastide, Fontanes...
Chacun s'attendait à des représailles mais, malgré les affreuses souffrances de Jean COMBES torturé, celui-ci ne dit rien.

Le samedi, ils ont aussi arrêté trois Espagnols : Narcisso CACHO et son fils ainsi que son beau-frère FERRER. Ils seront emmenés et déportés en Allemagne : Narcisso CACHO est mort à Dachau, FERRER mourra aussi en Allemagne. Sa fille Malta FERRER sera adoptée par la Nation en 1957. Seul le fils de Narcisso CACHO reviendra.

Ils ont aussi arrêté Maurice BRUNET domestique chez CASSAN, l'ont durement frappé et ils lui ont demandé de les conduire dans les maisons où il y avait des munitions. Il les a conduits dans les maisons où il n'y en avait pas : chez FÉNELON chez CLARY ils l'ont relâché le dimanche matin.

Mardi 27 février 1944
Les Allemands reviennent à Caniac-du-Causse, se rendent dans certaines maisons où ils ont fouillé, cherchant armes et munitions.
Chez DELFOUGEAC actuellement chez MARTY au Poustel, la vieille grand'mère “Io Veronico de MARSHAL” était couchée, terrorisée en voyant ces soldats en armes qui regardaient partout, fouillaient, mais ils ne lui ont fait aucun mal.

Ils sont allés dans plusieurs maisons de Caniac : à l'école où ils n'ont trouvé que Mme DELMAS, chez HÉREIL au Foirail, chez GRIMAL dans la maison à côté qui n'était pas habitée, anciennement chez CLARY et ils ne sont pas rentrés chez ANDRIEU où se trouvaient plusieurs hommes qui guettaient par portes, fenêtres et qui n'en menaient pas large. Ils ont fouillé la maison, en bas du bourg où habite actuellement René VIEILLESCAZE Ils cherchaient armes et munitions.
Ils sont allés chez LAVERGNE à Bonneau. Monsieur VALÉRY était maire de Caniac et ils l'ont fortement appréhendé, lui demandant où se trouvait le secrétaire de mairie, Monsieur Odet DELMAS. Sa fille, Maria LAVERGNE n'a pas oublié cette matinée.
Ils étaient venus très nombreux et on les voyait un peu partout ce jour-là.
Il y avait une importante manifestation religieuse cette semaine-là. Inutile de dire qu'en arrivant à Caniac, les fidèles avertis rebroussèrent chemin en vitesse. Tous les hommes avaient gagné le maquis, même l'abbé BOUDET. C'est un autre prêtre qui célébra la messe à sa place.
Louis VALÉRY était maire de Caniac à cette époque. Monsieur Odet DELMAS, l'Instituteur était secrétaire de Mairie et fortement impliqué dans la résistance : "Trois jours après l'arrestation de Jean COMBES, tôt le matin ils sont arrivés chez nous, excités et visiblement très en colère. Mon père, qui avait son lit dans la cuisine n'était pas encore levé, ils l'ont fortement appréhendé, le canon du fusil pointé près de ses jambes. lls nous ont demandé : "Secrétaire! Secrétaire!" Nous avons fait signe que nous ne savions pas où il se trouvait. Les minutes nous semblaient interminables, ils étaient menaçants envers mon père, regardaient dehors où une sentinelle surveillait les voitures.
En voyant, sur la planche, une tourte de pain, ils nous ont fait signe qu'ils avaient faim. Nous avons attrapé la tourte et alors, mon mari, Alfred, a fait preuve de discernement; il m'a dit :
“- Va chercher trois ou quatre pots de fritons, on va les faire manger normalement”

Lui-même est allé chercher un litre de vin, il a attrapé une dizaine de verres et il s'est mis à leur verser à boire ; il s'est versé un demi-verre et il a fait le geste de trinquer avec chacun d'eux. Là, la glace s'est rompue, ils se sont installés pour casser la croûte et mon mari leur a fait comprendre qu'il fallait laisser le Pépé qui, âgé, et vu ses responsabilités de maire, n'en menait pas large.

lls avaient une faim de loup, ils ont fini la tourte, tous les grillons, vidé la bouteille, nous leur avons montré la bonbonne pour qu'ils voient que nous n'avions pas d'autre vin.
Mon père était assis sur la salière, au coin du feu, sévère, la mine renfrognée. Il avait conscience du très grand danger pour lui-même, les siens et aussi les habitants de Caniac en raison de la présence importante des maquisards.

Le Maquis
Ils étaient présents partout, dans les bois, dans les villages, occupaient les moindres granges ou maisons abandonnées. Nous ne savions pas exactement où ils se cachaient.
Un jour ils sont venus très nombreux à la maison, une bonne soixantaine, ils avaient des fusils qu'ils posaient à terre un peu partout. On comprenait bien qu'ils n'étaient pas de vrais soldats. Ils nous ont demandé à coucher. Nous leur avons montré que notre maison avec une cuisine et une seule chambre était déjà bien pleine. Ils nous ont demandé la grange mais on leur a expliqué que notre domestique y couchait et qu'il ne comprendrait pas qu'elle soit ainsi occupée. Ils avaient repéré une petite grange et nous leur avons donné la permission d'y coucher en étant très prudents. Ils nous ont demandé de les faire déjeuner le lendemain matin.

Le lendemain, tôt, je me suis levée pour faire une bonne soupe de légumes. J'ai rempli l'oule la plus grosse d'eau et de bons légumes et je me suis mise à chercher toutes mes soupières pour préparer le pain. Quand tout a été prêt, nous nous sommes mis en marche avec Alfred pour leur porter la soupe : c'était lourd et très mal commode à porter, nous n'en pouvions plus. Heureusement l'un d'entre eux est venu à notre rencontre et il a pris ma place pour le transport. J'ai regagné la maison exténuée et inquiète qu'on ne les découvre car ils n'étaient pas assez prudents, ne se cachaient pas assez, ils passaient au vu de chacun, avec leur fusil alors que nous avions peur de tout : tout le monde épiait autrui ne sachant pas qui était résistant ou collaborateur. A la moindre dénonciation tout le village pouvait être perquisitionné et martyrisé ou tué."
M.L.

— J'ai rencontré les Allemands à Domenac où je me rendais à bicyclette. Je les ai aperçus trop tard pour faire demi-tour. J'ai vu deux camions avec beaucoup d'Allemands, l'un d'eux m'a demandé en français :
— Maquis, où sont les maquis ?
Je n'ai rien dit, bien sûr, je savais qu'ils étaient nombreux sur la commune et que, parfois, ils passaient la nuit à Lemmar. Ils m'ont dit de rester là, de ne pas avancer.
Quelle peur!
Puis les camions sont partis et j'ai poursuivi mon chemin, se souvient encore Mme M. de Lemmar.
— On était allé chercher du bois. En arrivant au Pech du Touron, on aperçoit quatre Allemands avec leur fusil. L'un d'entre eux nous arrête et nous demande :
— Est-ce qu'il y a un château?
— Non, il n'y a pas de château, avons-nous répondu (et nous avons tout de suite pensé à la maison MÉJECAZE de Naudou)
Ils sont allés à la croix et ont attendu. Alice SYRIEIX et Aline BRU sont arrivées :
Si vous voyez des Allemands, dites-leur de venir nous chercher là, leur ont-ils ordonné.
On a pensé qu'ils étaient nombreux et que sans doute ils cherchaient Naudou.
VIGEON, le facteur est arrivé et il nous a dit que les Allemands avaient pris COMBES, BRUNET et MARSHAL
Ils nous avaient demandé des vélos... Ils nous ont suivis dans la chambre, avec leurs fusils et ils ont pris nos deux vélos. Ils ont parcouru tous les chemins des Barades. A la fin, ils ont rendu les vélos à Marcel PRADELLE.
Ces souvenirs sont toujours présents dans la mémoire de Monsieur P. de Clavel.
Les Allemands ont fini par trouver la direction du "château" la maison de Félix MÉJECAZE à Naudou.

La colonne allemande s'est déployée autour de la maison. Les soldats ont jeté des grenades et ont fait sauter la porte. Il n'y avait personne à l'intérieur. Les maquis étaient partis la veille pour faire “un coup de main” à Cahors.
M. GRAULIÈRES qui fut maire à Caniac-du-Causse de 1974 à 1977 fut prisonnier durant toute la guerre, du 28 septembre 1939 au 8 août 1945 ; prisonnier des Allemands, dans un camp : “on travaillait dur” dit-il.
Nous écrivions à nos familles tous les quinze jours. Il se souvient d'une lamentable organisation de destructions des hommes.
A la retraite depuis 1959, avec son épouse ils vivent heureux à Caniac-du- Causse
”.

 


 

 

à suivre... épisode 9 - Labastide-Murat