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La résistance dans les cantons de Lauzès
épisode 7 - Blars - Sauliac-sur-Célé - Orniac
BLARS
Ordre de mission donné à la division Das Reich le 10 mai 1944 :
OBJECTIF N° 1 : BLARS, à 30 km au N.-E. de Cahors. Aux environs se trouve une maison où se rencontrent quotidiennement les trois chefs de l'organisation.
A l'écart de celle-ci, il y a une importante cache d'armes contenant environ 1500 mitraillettes, 25 mitrailleuses, plusieurs centaines de kilos d'explosifs, de nombreux mortiers, des grenades à main, etc.
Unité désignée: un détachement de Waffen SS.
Adjoint: Hauptscharführer SS JENSEN.
Informateur: ROY (LEROY alias HERCULE).
Moments dangereux de cette opération: à environ 2 km de la cache d'armes se trouve un maquis d'environ 50 hommes. Les approches du dépôt d'armes sont minées. Emplacement des mines inconnu. (Voir document joint). L'informateur ROY est capable de faire traverser le champ de mines en toute sécurité à l'unité désignée.
Un important dépôt d’armes était effectivement caché à quelques kilomètres du village (grotte du Robinet - granges dispersées du Clau de Mayou). Les chefs du maquis avaient l’habitude de se réunir pour organiser et coordonner leurs actions au Clau de Mayou.
Les “déménagements” permanents des P.C. du maquis, les nombreux noms de lieux homonymes rendaient la tâche difficile aux informateurs comme HERCULE qui n’était pas de la région. En outre il mélangeait allègrement des situations sans rapport entre elles, ptrobablement pour se rendre important aux yeux de leurs commanditaires.
A Blars, la horde imprévisible des Allemands encercle le village tôt le matin. Les habitants présents sont poussés sur la place. On fouille et pille les maisons (nourriture, alcool, postes de radio, bijoux).
Témoignage de Raymonde Guiral née le 9 février 1920
“Mon mari Noël faisait partie de la Résistance, des maquis communistes CHAPOU. Pour me protéger il ne me disait rien des lieux où se tenait le maquis.
Il servait d’agent de liaison. Les maquis se tenaient dans les bois au Mas de Séval chez Nadal, le “répétaïre”. Je n’ai jamais su s’ils utilisaient les grottes pour stocker des armes. Il avait deux voisins avec lui au maquis : Yvon ENGELIBERT et Raymond RAFFY, mais eux étaient plutôt socialistes. Il y avait beaucoup de communistes mais personne ne demandait sa carte aux maquisards, on ne mêlait pas la politique à la Résistance.
À Lauzès, il devait y avoir une réunion entre le Colonel GEORGES (remplaçant de CHAPOU) et JUBIN, où Noël devait aller. Elle a été annulée au dernier moment. Heureusement parce que les Allemands sont arrivés à Lauzès et Blars le jour de cette réunion, c’était le 11 mai 1944. Il y en avait partout avec des véhicules à chenillettes : du fond du village jusque sur la place.
Un charbonnier qui travaillait dans les bois les avait entendu arriver de loin. Il est passé au village en criant : “les Allemands arrivent !”. Tous les hommes sont partis se cacher dans les bois.
Les Allemands ont réuni femmes et enfants sur la place puis ils ont fouillé toutes les maisons. Ils ont pris toutes nos provisions et le vin. Ils ont passé le reste de la journée à se saoûler et à manger sur la place. Nous avions peur. Moi j’étais partie me réfugier chez Engelibert à l’extérieur du village. Le soir quand ils ont été partis, nous sommes allées au lac d’Aumière pour apporter à manger aux hommes.
Il y avait plusieurs maquis : celui de CHAPOU et celui de JUBIN le médecin de Lauzès. CHAPOU était communiste contrairement à ce qui est dit dans les livres, François JUBIN plutôt de droite ou peut-être socialiste. ENGELIBERT et RAFFY sont allés à Lauzès à une réunion avec JUBIN le médecin de Lauzès leur chef de secteur. ENGELIBERT et RAFFY sont revenus en appelant à la mobilisation des jeunes du village. Mon mari n’était pas d’accord pour faire ça. Les parents des jeunes non plus. Ils ont cru que c’était Noël mon mari, connu pour être membre du maquis local qui l’avait demandé. Ils sont venus lui reprocher avec les fourches à la main ! Noël leur a expliqué. Puis il est allé rejoindre son maquis pour demander des explications. Il a été mal reçu, là aussi. Finalement il a réussi à arrêter cette mobilisation qui ressemblait à de la “Résistance de la dernière heure”. C’était après le débarquement (en juin 1944)”.
Lors de la débâcle et pendant toute la durée de la guerre, la maison GUIRAL de Blars a accueilli tous ceux que la guerre avait jetés sur les chemins.
C’est au Clos de Maillou, sur le Causse de Blars que CHAPOU nommé chef des maquis de Corrèze prit congé de ses troupes :
“Saisissant COUJOUCK (Charles Cournou), son adjoint et son ami, par le cou, il lui dit : “Surtout, viens me chercher quand vous rentrerez à Cahors”.
Extrait de “Capitaine PHILIPPE - Georges Cazard 1950”
”Colonel GEORGES :
Quand CHAPOU fut nommé à la tête des maquis de Corrèze, le colonel GEORGES (Robert NOIREAU) le remplaçât.
Robert NOIREAU était enseignant, mili-tant communiste dans la région parisienne, syndicaliste. Arrêté lors de l’invasion de la “zone libre”, emprisonné par les Allemands dans l’Aveyron près de Rodez il réussit à s’évader de sa geôle par les égouts en 1943 et rejoint après de multiples péripéties les maquis du Ségala comme simple soldat. Il en prît vite le commandement. Sa qualité d’enseignant, d’homme de coeur et sa droiture séduisirent vite CHAPOU”.
Le désir de se battre, les tentatives de Londres pour mettre la main sur les maquis et son amitié avec NOIREAU, seront sans doute déterminants dans l’adhésion de Jean-Jacques CHAPOU aux F.T.P. communistes.
SAULIAC-sur-CÉLÉ
Témoignage de Gaston NADAL (Jeantou) né en 1918 à Sauliac sur Célé, Maire de Sauliac pendant 20 ans, déporté, torturé :
“Le Maire de l’époque était un soyeux de Lyon qui avait fait construire le château de Cuzal. Il tenait pour les Allemands. Autour du village il y avait des maquis partout. Quand il y a eu le tragique accident du tunnel de la Pescalerie où les deux jeunes sont morts (René CABESSUT de Sabadel et René VENTAILLAC de Lamagdelaine), les corps ont été enterrés au Souilhol au-dessus de la vallée où se tenait le maquis
CHAPOU à ce moment-là.
Les Allemands ont encerclé le village un jour et la ferme du Souilhol. Ils ont vu la terre fraîchement remuée. Croyant à une cache d’armes, ils ont déterré les deux corps et les ont laissés ainsi. On aurait vu un chien s’enfuir avec le bras d’un des deux corps. Les villageois ont demandé au Maire de les enterrer dignement dans le cimetière de Sauliac. Il a répondu :” Bof ! C’est pas des sacs d’or, tout de même !”. Quelques jours plus tard son château a brûlé. C’étaient les maquis. Un de mes cousins a participé à l’opération. Par mesure de représailles, quelques jours plus tard c’est la maison de LAGARRIGUE, un sympathisant notoire du maquis, voisin du château de Cuzals qui a été incendiée par le camp d’en face. LAGARRIGUE était facteur à Sauliac.
CHAPOU était au Mas de Galdot, au Clau de Mayou, sur tout le coteau en face du Célé.
Le maquis y avait un stock d’essence dans une grangette.
Parmi les maquisards il y avait “HERCULE” le traître, un Lorrain ou Alsacien, un infiltré. Il venait à la maison avec CHAPOU. Un jour ça chauffait pour lui, il s’est enfui par la fenêtre du Restaurant du Pont. Il savait tout de nous, que nous donnions régulièrement à manger aux maquis. C’est lui qui m’a dénoncé.
Je l’ai revu avec l’uniforme allemand quand ils m’ont arrêté et envoyé à Montauban. Sur ma fiche j’avais pu lire et j’avais retenu un seul mot que j’ai oublié aujourd’hui mais qui voulait dire : SUSPECT en allemand ! (verdächtig ?)
HERCULE hurlait : “C’est moi qui commande ici !”.
ORNIAC
À Orniac le 11 mai 1944, tôt le matin le village est encerclé.
Témoignage de M. BOUYSSOU Jean né le 10 mai 1930 à Orniac :
“Les Allemands ont rassemblé les habitants sur la place du village. Ils ont fouillé et pillé toutes les maisons.
Ma grand-mère était cachée à l’étage, elle avait peur.
Les Allemands ne sont pas montés, heureusement. Ils ont vu des poules dans la cour. Ils se sont mis à plusieurs pour les encercler et les ont coincées dans le poulailler. Ils en ont pris plusieurs et sont partis avec.
Tous les villageois ont été relâchés à l’exception de trois hommes qui seront emmenés. Un a été envoyé à Montauban Amédée SÉGALA, le deuxième a été déporté. Le troisième, je crois que c’était le Maire, a été libéré quelques temps plus tard.
Quelqu’un a téléphoné au beau-frère de notre curé qu’il connaissait à Saint-Cernin. Il a demandé à ce M. BR. (cousin de BÉRENGUIER Délégué départemental à la Propagande de Vichy). Je pense que c’était pour voir si ce dernier pouvait faire quelque chose... Je me souviens que c’était un jeudi, parce que je n’avais pas d’école.
En fin de matinée, les Allemands sont repartis vers Cabrerets. Un motard allemand a pris la route d’Orniac par erreur ; alors que le reste de la troupe était parti vers Cabrerets. Il m’a aperçu, je revenais des champs.
Il est venu droit sur moi et il m’a interrogé brutalement. J’étais jeune, j’avais juste 14 ans. J’avais peur, je n’ai rien compris de ce qu’il voulait, je pense qu’il s’était trompé de route. Je me suis mis à pleurer et je me suis enfui en courant. J’ai eu tort car il aurait pu me tuer.
À un moment je me suis retourné et j’ai vu qu’il avait fait demi-tour et qu’il repartait dans l’autre sens”.
à suivre... épisode 8 - Caniac-du-Causse