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La résistance dans les cantons de Lauzès
épisode 4 - Sabadel-Lauzès
SABADEL-LAUZÈS
Suivant les indications données à la Division Das Reich par HERCULE sur l’ordre de mission, les Allemands cherchaient la forêt de Gruat-Sarl et un maquis d’espagnols rouges qui disposeraient d’un camion citerne de 18.000 litres d’essence piégé en cas d’attaque et d’une cache d’armes.
Témoignage de Roger Delsériès - né le 30/01/1912 :
“René CABESSUT, un des deux résistants tués accidentellement dans le tunnel de la Pescalerie à Conduché était de Sabadel. Son père était “pilhaïre” : il ramassait les chiffons dans tout le pays, pour les revendre aux usines de pâte à papier, et les peaux de lapins.
Il y avait des Juifs cachés au Cayre (près de la Rivière). Un jour ils allaient vers la Capelette, nous les avons avertis qu’il y avait des Allemands partout, ils sont partis se cacher.
Le 11 mai 1944, les Allemands ont interrogé le Maire Alithe ROUGEYROLLES forgeron et son secrétaire René LÉONARD instituteur. Ce dernier était communiste, heureusement les Allemands ne le savaient pas parce qu’ils pourchassaient les communistes.
Le Maire a dit qu’il n’y avait pas de maquis à Sabadel, un petit village tranquille. Les Allemands les ont quand même emmenés à la maison BARRAS à la Capelette pour essayer d’en obtenir plus.
Longtemps après la guerre, M. ROUGEYROLLES racontait que LÉONARD, terrorisé faisait le tour de la table au fur et à mesure que le soldat qui l’interrogeait avançait vers lui. Les maquis ont réquisitionné la traction de M. DÔ et la Simca 5 du curé de Sabadel : POUGET”.
De bonne foi, ou jouant sur l’erreur de dénomination (GRUAT-SARL) le Maire et son secrétaire ne donnèrent pas les renseignements demandés aux Allemands. Ces derniers les relâchèrent.
Il s’agissait des hameaux de “le Gruat” et de “Sahuès” tous deux situés sur la rive droite de la vallée de la Sagne. Une grotte située sur la falaise au-dessus du Moulin de Font-Faurès servait de repaire, de cache d’armes et de nourriture, en même temps que de poste de guet aux maquisards De ce poste ils pouvaient surveiller toute la vallée de la Sagne. Le maquis se trouvait en face à Dantonet, dans l’ancienne gendarmerie de Lentillac-du-Causse (du temps des gendarmes à chevaux).
Un important maquis espagnol avait bien séjourné un temps à Dantonet, puis dans la région de Reilhac et Reilhaguet. Les maquis changeaient fréquemment de refuge pour des raisons de sécurité. Leur mobilité faisait leur force. Quand les Allemands sont venus, ils avaient quitté la zone pour le Ségala depuis longtemps.
Témoignage de Michel COUDERC du Gruat
né le 16/05/1948 à Sabadel-Lauzès :
Nous lui montrons une copie de l’ordre de mission donné à la division Das Reich en mai 1944. Son père Louis ne connaitra jamais l’existence de cet ordre de mission qui lui aurait expliqué la présence des Allemands dans son coin le 11 mai 1944.
“Le 11 mai 1944 je n’étais pas né. Mon père m’a raconté ce qui c’était passé. Il aidait le maquis de Pechgourié. Je ne pense pas que les Allemands soient venus au Gruat ou à Sahuès ce jour-là. Par contre ils sont allés à Lagrézette, tout près d’ici.
Mon père faisait une coupe de bois vers Lagrézette. Il avait stocké son bois au bord du chemin. À cette période, tout était réglementé, on n’avait le droit de rien faire sans le déclarer, y compris de couper du bois chez soi. Le 11 mai mon père était allé à Lagrézette avertir Barthélémy PÉGOURIÉ et son épouse Noëllie qu’il stockait du bois au bord du chemin. C’était au cas où le garde-champêtre lui en aurait fait la remarque. Barthélémy était couché, il était grippé.
Les Allemands sont arrivés accompagnés de deux Français, dans deux voitures. Ils étaient six en tout. Mon père a reconnu formellement les deux Français. Il s’agissait de BENONI Gabriel surnommé le gitan et du fils d’un dentiste de Cahors collaborateur notoire : M... (il portait une couronne en or sur le devant de la bouche). Je ne sais pas d’où mon père connaissait ces deux collabos, peut-être par leur signalement ou leur voiture.
M. PÉGOURIÉ malade était alité. Les Allemands ont tiré Barthélémy du lit. Il avait peur car il avait un fusil caché derrière la lingère dans la chambre. Ils l’ont fait sortir et l’ont attaché avec mon père à un ormeau dans la cour. Ils leur ont mis un révolver sur la tempe. Ils leur ont posé des questions auxquelles ils n’ont rien compris. En voyant l’ordre de mission, je comprends aujourd’hui ce qu’ils pouvaient vouloir.
Mon père a envoyé ma mère donner à boire aux boeufs, ça voulait dire : “ Va cacher le fusil qui est dans l’étable”. Mon père avait un deuxième fusil dans l’étable ! Heureusement ma mère a compris.
Les six autres ont tourné un moment dans la ferme sans rien trouver. Ils ont détaché les hommes. BENONI Gabriel a dit “Nous avons perdu notre temps en venant ici”.
Ils ont demandé un bout de tuyau pour siphonner de l’essence d’une des voitures dans l’autre car une des deux était à sec.
Mon père s’est dirigé vers la maison. Les Allemands l’ont interpellé : - “Où allez-vous ?” - “Je vais pisser” a répondu mon père. Il est entré dans la maison et est sorti par la porte de derrière. Il s’est enfui dans les bois. Il est parti se cacher chez CLARY à Sahuès.
Les CLARY ont soigné ses blessures occasionnées par les menottes. Il ont alors entendu des rafales de mitraillettes venant du côté de Lagrézette. Mon père a dit : “Ça y est ils ont tué ces pauvres gens !” Mon père a appris plus tard qu’il n’en était rien. Les Allemands étaient partis et avaient tiré sur des panneaux routiers à un carrefour un peu plus loin. Mais ils sont revenus un moment plus tard chez PÉGOURIÉ parce qu’ils avaient faim. Mme PÉGOURIÉ leur a dit qu’elle n’avait pas grand chose. Ils ont montré la saucisse qui pendait au plafond : “Et ça ?” Elle leur a préparé un petit repas. Ils ont mangé et bu et sont partis.
J’explique à Michel COUDERC que les maquisards espagnols avaient bien transité à Dantonet et qu’ils occupaient une grotte où ils cachaient des armes.
“Il n’y a que deux grottes : une très petite celle dite du Déserteur (appelée ainsi parce qu’un déserteur des armées napoléonniennes y avait trouvé refuge), au-dessus du Moulin de Faurès ; l’autre au Devez de Valéry est très grande, mais les deux sont très difficiles d’accès, je ne pense pas qu’ils aient pu y monter des armes. Je vous emmènerai les voir.
Mon père ne m’a jamais parlé du maquis de Malaterre, mais je me souviens qu’il m’avait parlé d’un russe métayer de cette ferme : il s’appelait KORALENKO. Je ne sais pas à quelle date il était là-bas”.
Témoignage de M. Camille CAUSSANEL
ancien Maire de Sabadel-Lauzès né le 26/06/1931 à Sabadel :
“Je me souviens qu’il y avait des maquisards qui se postaient au-dessus du pont de Sabadel, de chaque côté de la route, avec deux fusils-mitrailleurs.
La population avait peur des représailles éventuelles.
Dans les maquis il y avait les bons... et des mauvais qui profitaient de la situation pour rançonner les gens. Ça faisait du tort à la Résistance, parce que la population ne savait jamais à qui elle avait à faire.
J’étais écolier en ce temps-là, et quand les maquisards de Pechgarié (nous on disait Pechgourié) venaient à la maison chercher du pain, du vin où de la nourriture, le soir ou même en pleine nuit, il ne fallait pas s’en vanter le lendemain à l’école.
Tout le monde était méfiant. Quand on nous avertissait que les Allemands étaient dans le coin, les nouvelles circulaient vite de village à village, tous les hommes partaient se cacher dans les bois. Le 11 mai, nous refaisions le toit de la grange chez mes parents à la Borie. Les ouvriers se sont enfuis quand ils ont entendu les Allemands arriver. Les rassemblements étaient interdits et les Allemands profitaient de tout pour réquisitionner les hommes et les emmener travailler en Allemagne. Nous avions tous peur, ils étaient capables de tout.
Il y avait un Espagnol du maquis qui habitait à Sabadel dans une maison de location. J’ai oublié son nom.
Un jour il allait à Pechgarié. Un nommé GERVAIS montait la garde à Pechgarié. L’Espagnol avait oublié le mot de passe, l’autre lui a tiré dessus.
D’après moi le 11 mai, les Allemands avaient emmené aussi le garde-chasse M. GISSOT avec René LÉONARD et Alithe ROUGEYROLLES à La Capelette.
ROUGEYROLLES était un homme solide, courageux qui faisait front face aux évènements. À un moment les Allemands se sont tournés vers lui en le désignant aux deux autres qui n’en menaient pas large et lui ont dit : “Vous, bon Français ! Eux, pffff !”
Ce jour-là j’ai entendu les coups de feu venant de Lauzès, quand ils ont tué Abel LALO et les femmes MONTCOUTIÉ. Ça m’a marqué à jamais, c’était terrible.
Quand nous avons inauguré le monument aux morts de Sabadel, ça m’est revenu. Je connaissais Abel Lalo qui venait une fois par semaine chez mes parents acheter des oeufs et du fromage à bicyclette, je me souviens qu’il avait son panier sur le guidon. C’était un homme grand et maigre, il était très gentil”.
Témoignage de Simone ROUQUIÉ née en 1927
à Sabadel-Lauzès où son père était chef-cantonnier :
“J’ai connu Florence MALRAUX quand j’allais à l’école. C’était pendant la guerre, mais depuis je l’ai perdue de vue. Moi j’étais dans la grande section, j’avais une dizaine d’années, par là. C’était pas l’année du certificat d’études. Elle était dans la petite classe avec Madame CAPOULADE (les CAPOULADE étaient tous les deux instituteurs, ils habitaient le logement au-dessus de l’école ).
Elles étaient deux il y avait Florence et Axelle. Mais ce n’était pas sa soeur, c’était sans doute la fille d’une amie, je ne sais pas. Mais Florence je me souviens bien de son nom parce qu’on entendait parler de son père qui était au maquis en ce temps-là.
Elles étaient en pension chez M. et Mme CAPOULADE. Un jour il est venu une dame. Elle était à la fenêtre un jour pendant la récréation. C’était une personne grande, mince et plutôt blonde. J’ai pensé que c’était la mère de Florence, donc Clara MALRAUX. Comme elle ne sortait jamais, qu’elle restait cachée, j’ai pensé qu’elle était juive (Clara était née Goldsmith).
Il y avait beaucoup de juifs réfugiés dans la région. Il y en avait aussi au Cayre ils s’appelaient FEYTE (FEJTÖ ).
Je ne sais pas comment MALRAUX connaissait les CAPOULADE. CAPOULADE n’était pas du maquis.
C’est peut-être pour ça que les petites ne sont pas restées. Quand les Allemands sont venus à Sabadel, un matin on a entendu un grand bruit. Mon père a dit : “Oh là, là, c’est les blindés allemands qui arrivent”.
Maman comme chaque jour lui avait préparé son repas de la journée. Il a dit :”Je pars”. Il a pris son repas et il est parti. Nous on était très inquiètes, on avait peur qu’il lui arrive quelque chose.
Quelques Allemands se sont alignés dans le bas du village au bord de la Sagne.
Les Allemands avaient installé leur P.C. à La Capelette. Ils ont emmené le Maire Alithe ROUGEYROLLES, René LÉONARD l’instituteur, et GISSOT garde-chasse. Ils avaient arrêté Lucien et Francis COURTIOL. Ils ont pris Francis qui avait 14 ans. René LÉONARD a beaucoup parlementé avec les Allemands, ils ont fini par le relâcher. Mais ils ont gardé Lucien qui est mort en déportation.
Je me souviens que Papa prenait le poste anglais, mais il fallait l’écouter fort parce que c’était brouillé, alors Maman sortait pour voir que personne arrive. On se tenait au courant comme ça”.
Les CAPOULADE ont hébergé Florence MALRAUX et Axelle CANDIE. Axelle était la fille de Jean DORSENNE (pseudo d’Henri TROUFLEAU) et de Micheline PICARD, tous deux journalistes et aventuriers, amis des MALRAUX.
Ce couple était parti en voilier depuis Rouen, jusqu’à Tahiti où ils ont vécu de 1922 à 1926.
Micheline PICARD a écrit sous le pseudonyme masculin de ”Michel CANDIE”.
Jean DORSENNE ayant été arrêté et déporté par les nazis, Axelle vivait sous le pseudonyme littéraire de sa maman : CANDIE.
René CABESSUT (17 ans) de Sabadel-Lauzès avait gagné le maquis spontanément et très tôt, avec l’accord de ses parents. Il fut tué accidentellement avec son camarade René VENTAILLAC lors d’une opération de ravitaillement dans le tunnel de la Pescalerie à Bouziès le 17 octobre 1943.....
Il fut enterré à la ferme de Souilhol avec son camarade.
Quand les Allemands investirent la ferme quelques temps plus tard, voyant de la terre fraichement remuée, ils crurent à une cache d’armes, creusèrent et tombèrent sur deux corps. Les deux corps furent récupérés par les familles et inhumés dans leurs villages respectifs.
à suivre... épisode 5 - Saint-Martin-de-Vers - Saint-Cernin
"Le maquis trouve un appui logistique (ravitaillement et assistance) auprès de Louis Garrigou radical-socialiste et Conseiller Général du canton de Lauzès qui habitait le colombier"